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Vous conviendrez aisément que c'est tout ce que la maison d'Autriche pourrait faire dans sa plus haute prospérité que de refuser d'écouter au moins ce qu'en pleine guerre on veut bien entendre et recevoir d'un héraut, et même d'un trompette ou d'un tambour. Ainsi, il me semble que vous avez tort de croire qu'on y irait avec tant de précipitation que de vous chasser, sans vouloir vous laisser le temps de vous expliquer sur les ordres que vous avez.

On pourrait se repentir furieusement d'une démarche si précipitée, et qui me mettrait dans la dure nécessité de les traiter à mon tour en ennemis, et de m'associer à tous ceux qui m'invitent sans cesse de faire cause commune avec eux, pour tomber sur le corps à la maison d'Autriche.

Mais pour vous rassurer et pour remédier à cet inconvénient, si tant il y a qu'il est effectivement à craindre, je veux bien que, dès que vous aurez reçu celle-ci, vous preniez sans perte de temps audience du duc de Lorraine, pour l'informer exactement du contenu des ordres dont je vous ai chargé par ma susdite dépêche du 15 du mois passé. Et comme mes troupes n'entreront guère en Silésie avant le 17 ou le 18 de ce mois au plus tôt, vous recevrez celle-ci assez à temps pour pouvoir faire usage de vos instructions, avant qu'on ait à Vienne la nouvelle que j'aie franchi le pas.

Mais si dans la suite, contre toutes apparences raisonnables, on voulait se laisser aller à l'extrémité de vous défendre la cour, vous resterez en ville jusqu'à nouvel ordre, en continuant à me mander tout ce que l'on fait, et si l'on passe outre et qu'on veuille vous obliger de sortir de Vienne et des États de la cour où vous êtes, vous viendrez me trouver en Silésie, pour me rendre un rapport juste et exact de la véritable situation des affaires de là-bas.

Mais avant que de le faire, vous devez tâcher de faire encore un dernier effort pour parler au duc de Lorraine ou à son secrétaire, le sieur Toussaint, et même au chancelier, comte de Sinzendorff, pour leur faire comprendre les suites que pourrait avoir une pareille conduite, et à quoi on doit naturellement s'attendre, si l'on me pousse à bout dans les conjonctures présentes.

J'espère que vous vous donnerez toutes les peines et tous les soins imaginables pour mettre dans mes intérêts le grand-chancelier de la cour, comte de Sinzendorff, et le secrétaire d'État du grand-duc de Toscane, le sieur Toussaint. Et comme rien n'est à l'épreuve auprès des gens accoutumés de longue main à prendre de bonnes aubaines,1 je me flatte que vous n'épargnerez aucun de tous les ressorts qu'il soit possible de faire jouer pour les gagner, et vous leur pouvez offrir, vous-même ou par d'autres, avec lesquels vous ne risquez rien, jusqu'à deux



1 Vergl. Arneth I, 65: „Sogar für die damalige Zeit war der Grad, in welchem Sinzendorff sich käuflich zeigte, ein ganz ungewöhnlicher.“