160. AU CONSEILLER PRIVÉ DES FINANCES DE BORCKE A VIENNE.

Berlin, 15 novembre 1740.

J'ai vu par votre dépêche du 5 du courant l'entretien que vous avez eu avec l'ambassadeur de France au sujet de l'élection d'un empereur.105-3

<106>

J'espère que vous tâcherez d'approfondir le système que la France s'est fait sur les conjonctures présentes, tant par rapport à la succession des pays héréditaires de la maison d'Autriche qu'à celle de l'Empire, et pour quel prétendant elle se déclarera à l'égard de l'une et l'autre. Cependant vous aurez soin de vous tenir extrêmement serré envers lui et d'user de toute la circonspection imaginable pour ne pas lui laisser entrevoir mes sentiments sur ces matières, luidonnant au reste en toute occasion les assurances les plus fortes de mon intention sincère et inaltérable d'entretenir avec soin et sans interruption la bonne et parfaite intelligence dans laquelle j'ai le plaisir de vivre avec la France.

Au surplus, j'ai bien de la peine à me persuader que la cour de Dresde soit si bien disposéeen faveur de la nouvelle reine de Hongrie et du Grand-Duc son époux, comme celle de Vienne paraît s'en flatter Les Saxons n'ont pas su si bien déguiser leurs vues secrètes qu'on n'en ait entrevu une partie, et l'on sait à ne pas douter que le roi de Pologne souhaite avec passion de monter sur le trône impérial, de sorte qu'il n'y a nulle apparence qu'il y renonce en faveur du Grand-Duc, à moins que celui-ci ne lui fasse d'ailleurs sa convenance.

Il n'est pas vraisemblable que ces deux princes conviennent si aisément de leurs faits, au moins sans qu'il n'en transpire quelque chose; ainsi je compte qu'il ne vous sera pas difficile de découvrir ce qui se négociera à ce sujet, et c'est à quoi vous apporterez une attention particulière, pour m'en pouvoir donner de bonne heure des informations.

Federic.

H. de Podewils.

Nach der Ausfertigung.



105-3 Le marquis de Mirepoix „me tira à côté et me dit à l'oreille: On m'a dit que le Roi votre maître
     a donné sa voix an grand-duc de Toscane pour le faire élire empereur.— Je répondis: Comment le Roi mon maître lui l'aurait-il donnée? à peine sait-il que l'Empereur est mort. — Il poursuivit: Mais le Grand-Duc ne pourrait pas l'être, n'ayant aucune possession en Allemagne. — Je répliquai que cependant son épouse en avait. — Sur quoi il répartit: C'est à savoir si elle les garde — sans vouloir continuer le discours davantage.“