187. AU CONSEILLER PRIVÉ DES FINANCES DE BORCKE A VIENNE.

Berlin, 6 décembre 1740.

Je suis fort content du détail que vous me faites, par vos relations et post-scriptum du 26 du mois passé, de la continuation de l'assiette où l'on se trouve présentement à la cour de Vienne, et qui est peut-être plus disgracieuse et mauvaise qu'on ne se l'imagine.

La Saxe commence à faire sentir de plus en plus ses desseins, formés sur la dignité impériale, et même sur la succession de la maison d'Autriche.

Le résident de la cour de Dresde a insinué ici que le roi de Pologne ne saurait regarder d'un œil indifférent que la reine de Hongrie et de Bohême prît le duc de Lorraine in consortium regni, que c'est une brèche à la Sanction Pragmatique, et un préjudice trop considérable pour les droits des filles de feu l'empereur Joseph, pour pouvoir souffrir cela. On s'est informé de même temps de ce que je pensais là-dessus. Vous en ferez part dans la plus grande confidence au duc de Lorraine, pour qu'il sache ce qu'il doit attendre des belles promesses de la Saxe.

D'un autre côté, la France m'a fait entendre sous main quelles sont ses vues par rapport à l'électeur de Bavière, et qu'elle compte de lui gagner la pluralité des suffrages dans le collége électoral; que les trois électeurs, unis depuis longtemps, comme celui de Cologne, de Bavière et le Palatin, tireraient la même corde, sans se laisser séparer, <126>que la France compte d'y faire accéder, de gré ou de force, les électeurs de Mayence et de Trèves, et qu'ainsi, la plus grande partie des voix tombant sur l'électeur de Bavière, la France soutiendrait cette élection de toutes ses forces, sous prétexte de maintenir la liberté de suffrage et la tranquillité du Corps Germanique, en qualité de garante de la paix de Westphalie.

On me fait entrevoir, si j'y veux entrer, les plus grands avantages du monde.

Il ne faut pas manquer d'informer de bouche le duc de Lorraine, vous-même, de tout ce détail, mais sous le sceau du secret le plus absolu, et il verra par là combien l'on compte sans son hôte à Vienne, si on croit que les choses iront si fort à plein pied, que l'on s'imagine.

Je suis curieux d'apprendre ce qu'il vous aura répondu là-dessus, et il y a de l'apparence que le marquis de Mirepoix ne va à Ratisbonne que pour sonder et pour préparer les esprits en faveur de l'électeur de Bavière.

Federic.

H. de Podewils.

Nach dem Concept.