536. AU CARDINAL DE FLEURY A ISSY.

Camp de Friedland, 2 octobre 1741.

Monsieur mon Cousin. J'ai reçu, par les deux courriers qui viennent d'arriver, les lettres, Monsieur, que vous me faites le plaisir de m'écrire. Il ne me reste rien à désirer sur la confiance que le Roi votre maître me témoigne; il peut compter que je n'en ferai jamais mauvais usage, et que j'en agis avec lui avec toute la sincérité et fidélité possible.

J'ai également communiqué à M. Valory toutes les pièces originales des propositions qu'on m'a faites et qu'on ne se lasse pas de me faire. Milord Hyndford même est encore actuellement à Neisse, pour y négocier au nom du roi d'Angleterre. Il m'a offert, au nom de la reine de Hongrie, toute la Basse-Silésie, avec une lisière d'une mille de ce côté ici de la Neisse, et la principauté de Glatz, pour obtenir ma neutralité. J'ai refusé constamment d'entrer dans de pareils engagements, et j'en agirai toujours de même, me flattant que les électeurs de Bavière et de Saxe ne feront pas les difficiles sur les choses que la Reine même m'accorde. D'ailleurs, j'ai pu remarquer, par les offres du lord Hyndford et de la cour de Vienne, que vous avez lieu de vous méfier de la sincérité du roi d'Angleterre. Il cède à la conjoncture, mais il n'en conserve pas moins la vengeance au fond de son cœur.

Les retardements de l'électeur de Mayence pour l'élection impériale m'ont semblé de même être couverts d'un si frivole prétexte qu'on a lieu de soupçonner qu'il a dessein de gagner du temps.

La façon déterminée dont je me suis expliqué au ministre de Saxe, touchant l'incertitude de son maître, l'a enfin faire résoudre à conclure avec le roi de France. Je regarde, ainsi que vous, Monsieur, son accession dans la conjoncture présente comme donnant du poids à l'accomplissement des desseins du Roi. Le principal effet de cette alliance sera qu'elle achevera de tenir la Russie dans l'inaction, vu les intimes liaisons de ces deux cours respectives. Quant au sujet des opérations, il serait fort à désirer que l'électeur de Bavière y apportât moins de lenteur, et qu'il ne perdît point un temps précieux à des hommages qui pourraient lui être rendus en des saisons moins propres à la guerre.

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J'ai porté jusqu'ici tout le fardeau sur moi, les autres en retirent les fruits; et, non contents de ces avantages, ils paraissent désirer que je fasse tout seul la guerre pour eux. C'est ce qui me semble injuste, et je vous prie, Monsieur, de faire que l'Électeur agisse avec plus de vigueur, dans un temps où il le peut, et où il ne rencontre aucune opposition devant lui.

J'ai dérobé à M. de Neipperg le passage de la Neisse, et je l'ai rejeté dans la Haute-Silésie, où je le resserre journellement. Si les Bavarois avançaient par derrière, cette armée, se trouvant environnée de tous côtés, et manquant de subsistance, périrait immanquablement en peu de semaines. En un mot, il y a cent bonnes choses à faire, qu'on néglige toutes, pour perdre le temps d'une façon impitoyable, et, quelque bonne volonté que j'aie, je ne ruinerai point mon armée, campée dans le dixième mois, pour que les autres mangent en attendant des noisettes. Vous ne trouverez rien d'injuste en ce que je vous écris, et par ma façon d'agir envers l'Électeur je pense de mériter le réciproque.

Quant au roi de France, je ne souhaite autre chose sinon que son amitié ne se ralentisse jamais pour moi; il me trouvera toujours le même, j'entends, prêt à contribuer en tout ce qui peut lui être agréable, et d'une sincérité et fidélité à toute épreuve.

Je me flatte, Monsieur, que vous êtes persuadé que rien n'égale la haute estime et la considération avec laquelle je suis à jamais, Monsieur mon Cousin, votre très fidèle ami

Federic.

Je vous envoie ci-joint une copie de la lettre que le roi d'Angleterre m'a écrite.364-1

Valory a vu en original la plus grande partie des pièces qu'on m'a envoyées d'Hanovre et de Vienne.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



364-1 D. d. Linsburg 22. September.