561. AU CONSEILLER PRIVÉ DE JUSTICE DE PLOTHO A HANOVRE.

Camp de Schnellenwalde, 18 octobre 1741.

Le ministre de France à ma cour, le marquis de Valory, vient de me représenter par ordre de sa cour que la conduite du roi d'Angleterre <380>vient d'être bien différente d'avec celle qu'il a tenue il y a environ trois semaines. Qu'il était connu que ce prince, intimidé à l'approche de l'armée française du Bas-Rhin, a fait toutes les instances possibles, afin que le roi de France suspendît la marche de ses troupes; qu'il a écrit lui-même à l'électeur de Bavière pour l'assurer de son amitié et lui demander la sienne, et lui offrir sa voix pour la couronne impériale, et qu'en même temps il a fait offrir à la cour de France de séparer et renvoyer ses troupes, si cette cour lui voulait donner pleine sûreté que l'on n'en voulait point à son électorat, promettant de ne plus assister la reine de Hongrie ni directement ni indirectement, et de ne troubler en rien l'électeur de Bavière ni aucun de ses alliés dans leurs opérations militaires contre cette princesse; que toutes les raisons politiques et militaires auraient voulu qu'on n'eût point d'égard à ces instances, et que la France profitât des favorables circonstances pour se venger dans la personne et les États du roi d'Angleterre de toutes les insultes et vexations que la France a essuyées de la nation anglaise sur mer; que cependant, moi ayant désiré que la cour de France préférât le pacifique, le Cardinal a écrit au roi d'Angleterre que le roi de France voulait bien accepter ses offres, persuadé qu'il donnerait sur cela les sûretés requises, ainsi que la satisfaction convenable sur les insultes, et qu'à l'égard des affaires d'Amérique, on se rapportait aux promesses que lui, roi d'Angleterre, avait fait faire de s'employer de bonne foi pour procurer la paix entre l'Espagne et l'Angleterre; qu'aujourdhui, ce ton était changé de manière que, lorsqu'il avait été question de conclure, le roi d'Angleterre demandait que l'armée de la France repassât le Rhin sur le champ, et remettait à son retour en Angleterre l'examen des griefs de la France; que de plus, ses ministres à la Haye niaient hautement qu'il ait jamais été question de neutralité; que la cour de France n'aurait jamais dû s'attendre du roi d'Angleterre à des manières si impérieuses, après les démarches faites par ce prince depuis un mois, et qu'il ne convenait pas à l'intérêt de la France qu'elle souffrit cet air de hauteur qui relèverait le courage des partisans de la cour de Vienne.

Qu'ainsi lui, Valory, avait ordre de me dire que le Roi son maître s'étant porté sans hésiter à prendre les voies de conciliation, dès qu'il avait su mes sentiments, il était aussi persuadé qu'instruit du cas où la France se trouvait à présent avec le roi d'Angleterre, je ne perdrais point le moment de le forcer à conclure cette neutralité, et de faire marcher mon armée de Brandebourg, de concert avec celle de France, dans les États d'Hanovre; que quant à l'armée française, il lui était impossible de repasser le Rhin sur le champ, faute de fourrages dans les pays de Juliers et de Cologne au delà du Rhin, et qu'il ne serait pas naturel que, la France étant supérieure, et le roi d'Angleterre ayant employé les prières, il ne soit pas libre à l'année de la France de se mettre en quartiers dans les États de l'électeur de Cologne, ami de la France, si on donnait par écrit au roi d'Angleterre toutes les sûretés requises <381>pour l'assurer qu'on n'attaquerait pas ses États, quoique sous la condition qu'il prendrait aussi par écrit les engagements qu'il avait proposés lui-même, et qu'en cas que le roi d'Angleterre refusât de se prêter à cette convention, qu'il avait proposée lui-même, la France désirait et espérait de moi que je devrais faire déclarer par vous, mon ministre à Hanovre, que ce serait ainsi, et, que si Sa Majesté Britannique ne voulait pas se comporter en ami avec la France et la Bavière, je joindrais mes forces avec les leurs.

Voilà ce que le susdit ministre de France vient de me représenter.

Mon intention est donc que vous tâcherez d'avoir une audience particulière auprès de Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne, et de lui communiquer en confidence de ma part le précis de ce qu'on désire de moi de la part de la France. A quoi vous ajouterez d'une manière convenable et dans les termes les plus polis, que Sa Majesté pourrait être assurée que mon estime et mon amitié pour elle sont trop grandes pour que je dusse jamais agir ou lui parler d'une manière si peu amiable, mais que j'espérais aussi d'elle que Sa Majesté, selon ses hautes lumières, considèrerait que dans les circonstances présentes il serait de son propre intérêt de ménager la France autant qu'il serait possible, afin de mettre ses États en Allemagne à l'abri de l'inondation des troupes françaises, qui était à craindre pour peu que Sa Majesté voulût rebuter tout-à-fait la France dans un temps où ses forces étaient si supérieures. Vous ne négligerez pas, en même temps, de faire valoir auprès de Sa Majesté la générosité avec laquelle j'agis envers elle, et de quelle ardeur je m'intéresse pour la conservation de ses États. J'attends au plus tôt possible votre rapport de l'impression que cela aura faite. Au reste, ma volonté est que vous ne donnerez rien par écrit de tout ce que je vous ai mandé, mais que vous vous expliquerez seulement verbalement, afin que, contre toute attente, on n'en puisse faire un mauvais usage.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.