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6058. AU LORD MARÉCHAL D'ÉCOSSE A PARIS.

Potsdam, 6 octobre 1753.

Le rapport que vous m'avez fait à la date du 24 du mois dernier, m'a été fidèlement rendu, tout comme celui du 7 de ce mois dont vous avez chargé le lieutenant Elsner à son retour. Comme mes lettres d'Angleterre, en conséquence de ce que je vous en ai appris par la dernière dépêche du département des affaires étrangères, sont que les ministres anglais, malgré qu'ils s'étaient refusés aux propositions d'accommodement que le duc de Mirepoix leur avait faites, ne voulaient cependant entrer dans aucune mesure violente contre moi dans le moment présent, ni donner un sou en subsides à la Russie, nonobstant les efforts extraordinaires et même turbulents que le ministre autrichien, le comte Colloredo, leur faisait pour les y obliger, j'envisage cela comme une marque que le ministère anglais voudra préférer de laisser traîner l'affaire sur le tapis, sans en témoigner un ressentiment prompt de la prétendue insulte par l'arrêt que j'ai mis sur le reste des dettes de Silésie, de sorte que je crois qu'en traînant un peu l'affaire et la tenant en haleine, on viendra encore à bout de l'accommoder paisiblement. Mais, supposé que l'Angleterre s'aviserait à procéder violemment par le moyen que M. de Contest paraît craindre, et qu'elle se saisît du vaisseau en mer de la compagnie d'Emden, il ne faudra croire que je tomberais pour cela tout d'un coup sur l'Hanovre; ce que je ne ferai pas, ayant d'autres moyens encore pour m'en indemniser.

Car, primo, il faut considérer que ce vaisseau a été mis sous des assurances, et qu'au cas de ce revers ce seraient apparemment les sujets anglais mêmes qui en porteraient les frais, par les assurances qu'ils seraient tenus de payer. En second lieu, j'ai entre mes mains encore l'argent qui reste à payer au Anglais des dettes de Silésie, indépendamment de celui sur lequel l'arrêt a été mis, et, le cas existant que le susdit vaisseau serait saisi, je pourrais faire déclarer que je défalquerais encore le montant des dettes de Silésie. Le troisième expédient serait, pour prévenir du malheur audit vaisseau, que la cour de France permît qu'à son retour il arborât le pavillon de France.

Indépendamment de tout ceci, j'avoue que j'ai de la peine à me persuader que le roi d'Angleterre, aussi avancé en âge qu'il est, voudrait commencer des troubles et la guerre, surtout sachant que son décès doive être suivi d'une tutelle et d'une régence.

J'ai d'ailleurs appris par de bonnes lettres des frontières de Livonie que, jusqu'à présent, il n'est entré de nouvelles troupes de Russie ni dans la Livonie ni dans la Courlande, mais qu'elles s'arrêtaient encore dans les provinces de Russie limitrophes à la Livonie, parceque la cour de Moscou s'attendait préalablement que de faire marcher ces troupes à une réponse favorable touchant les prétendus subsides.

En combinant donc ces circonstances et voyant que, jusqu'à présent, malgré les grands mouvements du ministre autrichien à Londres, les