<147> de parler bon français au roi de France et à son ministère, au hasard de les mettre de mauvaise humeur.

Le projet de la grande alliance du roi d'Angleterre roule sur deux points principaux : l'un, l'élection d'un roi des Romains, qu'il veut brusquer à la faveur de cette formidable alliance; l'autre, c'est l'affaire des déprédations des vaisseaux prussiens, qu'il croit, à la faveur de la Russie, soutenir haut à la main.

A l'égard du premier article, mes sentiments vous sont connus, et je vous ai déjà informé que j'étais fortement du sentiment qu'il ne nous convenait point de laisser brusquer l'élection, mais de porter plutôt l'Électeur palatin à un accommodement qui procurera une élection unanime. Comme cette matière s'est débattue, il y a longtemps, nous sommes convenus avec la France que le sujet ne valait pas la peine de faire la guerre;1 mais il serait contre la dignité de la France, aussi bien que contre celle des États de l'Empire, que l'élection se fît avec force et contre les constitutions du Corps Germanique. Pour éviter, par conséquent, toutes les suites fâcheuses que pourrait avoir la force et la violence employées dans cette élection, il est de la prudence de les éviter, à présent qu'il en est temps encore, en conseillant ou en instigant l'Électeur palatin de signer son traité avec la cour de Vienne.

Quant au second point, qui me regarde personnellement, je me trouve obligé de m'expliquer assez sérieusement et confidemment avec eux. Je leur rappelle le projet du roi d'Angleterre que je vous ai déjà marqué par ma dépêche du [2 novembre]. Quant à moi, j'assure positivement la France que je ferai de mon côté tous les pas que je pourrai faire avec honneur, pour éviter la guerre, mais qu'aussi aucune considération de l'univers, ni la formidable alliance de mes ennemis, ni la supériorité de leurs troupes, ni le nombre de leurs ressources ne m'obligeront à plier devant la fierté du roi d'Angleterre; ainsi que, si la France est dans le sentiment de vouloir maintenir la paix, je la prie de penser bien sérieusement et réellement aux moyens de la conserver, et je crois qu'il en est temps encore, mais je ne jurerais pas que ce qui est possible à présent, le serait encore en six semaines ou en deux mois. L'alliance n'est pas conclue à présent avec la Russie; les Anglais se sont offerts à payer 70,000 livres sterling de paix. Il faudra savoir si ces propositions seront reçues de la Russie. Le projet est d'ailleurs d'y engager la Saxe après, et je sais de bon lieu que le comte Brühl a déclaré que la Saxe était prête à signer, dès que le roi d'Angleterre y serait accédé pour son électorat.

Les deux seuls moyens donc que je crois pour arrêter le roi d'Angleterre, sont que la France voudrait bien faire une déclaration bien ferme au ministre d'Angleterre, auquel la France pourrait confier



1 Vergl. Bd. VIII, 127. 161. 515.