6398. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Potsdam, 22 juillet 1754.

La dépêche que vous m'avez faite du 12 de ce mois, m'a été fidèlement rendue. Bien que je ne mette le moindre doute en tout ce que vous continuez de me marquer par rapport au système adopté présentement du ministère britannique et à ses sentiments pacifiques, à moins de nouvel évènement qui regarde les intérêts de la nation, je ne veux cependant vous point cacher qu'on en juge bien différemment à Vienne,<379> où la cour, comme je le sais de très bonne main, ne doute pas un moment que l'Angleterre ne fasse un bon traité de subsides avec la Russie, et que les choses n'étaient actuellement en bon train de tout ajuster de sorte entre les deux puissances qu'il n'y aura plus qu'à y mettre la dernière main, cet hiver, par l'agrément du Parlement. Les ministres de la cour susdite sont parfaitement persuadés que le ministère anglais a pris par politique de faire montrer des sentiments pacifiques et d'économie au dehors, et qu'au reste le secret était gardé scrupuleusement sur son véritable dessein. En combinant ces circonstances avec d'autres encore qui me reviennent de temps en temps, je suis d'avis que vous ne vous fiiez pas avec trop de sûreté sur ceux que vous recevez, et que vous tâchiez plutôt de pénétrer même ce qui se passe derrière le rideau, car je ne saurais vous dissimuler qu'il me paraît encore que les ministres continueront encore de faire apparaître leurs sentiments pacifiques, tandis que leur parti dans le Parlement n'est pas tout-à-fait consolidé, mais que, dès lors qu'ils auront arrangé tout ce qu'il leur faut sur ce sujet, ils changeront de ton et paraîtront tout autres qu'ils paraissent à présent.

Je me sens confirmé dans ces idées, quand je songe aux longueurs qu'ils mettent pour donner les éclaircissements et les explications que votre ami attend,379-1 pour accommoder amiablement mes différends avec l'Angleterre. Le peu de saison qu'ils font actuellement en ville, ne tranquillise, point les soupçons que j'ai là-dessus, car, s'ils avaient autant d'envie de voir finir cette affaire que votre ami leur attribue, je crois qu'ils y iraient avec plus d'empressement; aussi ne me tromperai-je peut-être, quand je présume que ce ministère voudra traîner tout doucement cette affaire jusqu'au temps qu'il aura arrangé les siennes avec le Parlement, et qu'il lèvera alors le masque. Quoi qu'il en soit, j'approuve parfaitement la résolution que vous avez prise de ne faire aucune nouvelle démarche là-dessus, mais d'attendre tranquillement le reste, en les voyant venir eux-mêmes, en quoi vous agirez conformément à ma volonté.

Federic.

Nach dem Concept.



379-1 Vergl. S. 307.