6464. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

<427><428>

Extrait de la dépêche du baron de Knyphausen du 6 de septembre sur les propositions faites par le sieur Rouillé : Quant aux affaires de Turquie : Que le Roi cherchât à s'allier avec la Porte, pour s'assurer de la liberté de l'élection en Pologne et pour ce qui concernait les intérêts que Sa Majesté avait de communs avec la Porte, savoir l'abaissement de la cour de Vienne et l'entretien de la division en Pologne. Qu'apparemment le Grand-Seigneur se prêterait en ceci avec empressement, pourvu qu'on y voudrait faire les premières démarches et qu'on s'y prît par commencer à faire des propositions à la Porte pour le commerce des échelles. Ce que la France seconderait par ses bons offices.

Pour les affairés de Danemark: Que pour parvenir aux engagements à prendre entre le Roi et la cour de Danemark, il serait convenable que la Suède joignît ses bons offices à ceux que la France ferait, et que les deux cours travaillassent d'un commun accord pour l'exécution de ce projet. Que la Suède pourrait sonder les intentions du Danemark ou plutôt le consulter s'il ne serait point à propos qu'on se réunît pour déterminer le roi de

Potsdam, 24 septembre 1754.

Mon retour de la Silésie ne m'a pas permis d'accuser plus tôt la bonne réception de vos dépêches du 6, du 9 et du 13 de ce mois. Pour ce qui regarde les matières intéressantes que celle du 6 comprend, je veux bien vous dire que, quant aux affaires par rapport à la Turquie, vous remercierez bien poliment M. de Rouillé de la manière qu'il a bien voulu s'expliquer envers vous touchant les liaisons à prendre entre moi et la Porte Ottomane. Vous lui direz que, pourvu que la France voudrait seconder une pareille négociation par ses bons offices, je me prêterai de bien bon cœur à en charger quelqu'un de ma part qui passerait par Marseille à Constantinople, sans que personne saurait ni où il irait ni le sujet de sa commission, et qui serait instruit de ne commencer

Prusse à accéder au traité d'alliance qui subsistait entre la Suède et le Danemark.

Pour les affaires de Pologne: Qu'il était enjoint au comte Broglie de faire les derniers efforts pour rétablir le calme et pour empêcher le Grand-Général et ses adhérents de se porter à une confédération. Qu'on supposait en France que les vues du roi de Prusse étaient sur ce point entièrement conformes à celles de la France. Qu'il serait inutile de dresser un plan d'opération pour le comte Broglie et le sieur de Maltzahn relativement à la Diète; qu'il suffirait que le dernier fût instruit d'agir en tout de concert avec le comte Broglie, tout comme celui-ci n'entreprendrait rien sans le concours du sieur de Maltzahn et sans sa participation.

Pour les affaires de l'Empire: Qu'il serait nécessaire qu'à l'occasion de la prochaine élection d'un roi des Romains, on se concertât sur la capitulation qu'il conviendrait de faire pour ce sujet.

que par négocier là un traité de commerce des échelles du Levant, sur le pied que la Suède en était convenue autrefois avec la Porte.

Que, quant aux engagements à prendre entre moi et le roi de Danemark, vous direz au sieur Rouillé que je goûtais parfaitement l'expédient qu'il avait bien voulu suppéditer à cette occasion pour parvenir à ce but salutaire, et que j'aurais toute l'obligation à la France, si elle voulait y contribuer, ne fût-ce que pour me faire avoir un simple traité d'amitié avec le Danemark.

Pour ce qui concerne les mesures qui conviendraient, selon ledit ministre, de prendre touchant l'évènement de la vacance du trône de Pologne, vous lui insinuerez bien poliment qu'il me paraissait presque impossible de pouvoir prendre dès à présent quelque résolution sur ce sujet, bien attendu que le roi de Pologne se trouvait encore dans un état de fort bonne santé, de sorte que naturellement le cas de son décès paraissait être encore assez éloigné, et qu'il saurait même arriver que je mourusse avant lui, et qu'il ne m'était pas possible de prévoir comme mon frère, l'héritier présomptif de moi, pourrait penser alors sur ce cas. Mais qu'indépendamment de tout cela, je croyais qu'en attendant l'évènement de la vacance du trône de Pologne, la France avec moi, nous saurions bien nous expliquer de concert, lorsqu'il était question du cas de vacance, qu'on n'aimerait pas alors que des puissances étrangères se voudraient immiscer aux affaires des Polonais, pour vouloir leur donner un Roi contre leur gré, qu'on ne saurait surtout que de donner l'exclusive à des princes de la maison d'Autriche, et qu'au surplus il faudrait laisser faire le reste aux Polonais.

Quant aux propos que M. de Rouillé vous a tenus de la nécessité qu'il y avait qu'on se concertât, à l'occasion de la prochaine élection d'un roi des Romains, sur une capitulation qu'il conviendrait de faire pour ce sujet, j'applaudis à la réponse que vous avez donnée pour cela au susdit ministre, et vous lui réitérerez encore à ce sujet qu'entre les électeurs de l'Empire, notre parti était à présent le plus faible, qu'en attendant, j'avais ordonné427-1 à mes ministres de dresser un projet de ca-

 

pitulation tel que nous souhaitions qu'elle fût acceptée, et qu'on vous enverrait ce projet, afin que vous sauriez vous expliquer là-dessus avec les ministres de France.

Je passe à présent au contenu de vos deux dernières dépêches du g et du 13 de ce mois, au sujet desquelles je vous dirai que je serai bien aise, quand vous sauriez avertir adroitement et dans la dernière confidence les ministres de France de ne pas se fier trop aux belles apparences du prince Louis de Würtemberg,428-1 qui, plein de dissimulation qu'il est, pourrait leur donner à garder par ses artifices, pourvu qu'ils n'y prendraient pas attention.

Quant au crédit auquel, selon vous, le comte d'Argenson428-2 paraît se maintenir, je crois cependant qu'à l'occasion du rétablissement fait du Parlement,428-3 et par ce que c'est proprement lui qui a fait faire à la cour les écarts qu'elle a faits contre le Parlement, son crédit saurait bien être ébranlé.

Pour ce qui regarde les personnes auxquelles le sieur Rouillé paraît jusqu'à présent avoir le plus de confiance,428-4 je vous fais observer que, vu le peu d'expérience et de routine du sieur Rouillé, vous ferez bien de vous lier avec le sieur de Bussy,428-5 au moyen duquel vous parviendrez toujours, à ce que je crois, le plus tôt à votre but.

J'avais oublié à vous dire que je suis bien aise d'avoir rencontré dans ma réponse que j'ai fait donner au grand-général de la couronne de Pologne,428-6 les sentiments où la France est à ce sujet. Au surplus, j'ai donné mes ordres exprès à mon ministre à Varsovie d'agir en tout, relativement à la Diète présente de la Pologne, de concert et sans réserve avec le comte de Broglie.

La nomination du sieur Ogier au caractère d'ambassadeur m'a fait beaucoup de plaisir; il s'est toujours bien conduit dans son poste présent pour ménager habilement les intérêts de la France et de ses alliés,428-7 et il n'est point à douter que son nouveau caractère ne donne beaucoup de poids aux insinuations qu'il aura à faire à la cour de Copenhague.

Au reste, je ne suis point surpris d'apprendre par vous que M. de Séchelles commence à manier habilement les finances de la France. Je connais sa grande capacité428-8 et ne désirerais de lui, sinon qu'il fît à présent exactement payer les subsides à la cour que vous savez,428-9 et qui lui passent par mes mains.

Federic.

Nach dem Concept. Der „Extrait de la dépêche du baron de Knyphausen“ nach der von dem Cabinetssecretär für den Gebrauch des Königs angefertigten Redaction.

<429>

427-1 Die bezügliche Weisung ging dem Ministerium am 29. September zu, zugleich mit einer Mittheilung über die Dänemark und Polen betreffenden Stellen des Immediaterlasses an Knyphausen vom 24. September.

428-1 Vergl. S. 214.

428-2 Vergl. S. 405.

428-3 Vergl. S. 407.

428-4 Knyphausen berichtet, 13. September: „Quant à ce qui concerne le sieur Rouillé, les personnes dans lesquelles ce ministre paraît jusqu'à présent avoir le plus de confiance, sont le marquis de Puyzieulx, le comte de Saint-Séverin et le maréchal de Noailles, mais principalement les deux premiers. Il paraît aussi avoir une bonne opinion des lumières de Bussy, et je me suis aperçu en plusieurs occassions qu'il le consulte souvent et qu'il se conforme assez volontiers à son avis … Au reste, ce ministre lâche des propos assez indiscrets dans les audiences qu'il donne aux ministres étrangers.“

428-5 Vergl. S. 400. 411.

428-6 Vergl. S. 397.

428-7 Vergl. S. 416.

428-8 Vergl. S. 404.

428-9 Braunschweig.