6534. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

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Knyphausen berichtet, Fontainebleau 14. November: „J'ai reçu la lettre de Votre Majesté du 29 du mois passé. Elle aura vu par mes lettres précédentes quelle est la réponse que le sieur Rouillé m'a donnée touchant le dessein qu'a Votre Majesté d'envoyer un ministre à la Porte. Il m'a dit depuis qu'il avait chargé le sieur de Bussy de lui rendre compte de tout ce qui s'était passé à cet égard entre Votre Majesté et la France du temps du ministère de milord Tyrconnell,478-1 où sa cour avait proposé pour la première fois à Votre Majesté de S'allier avec la Porte, pour y faire résider un ministre de Sa part, et qu'il me parlerait alors plus amplement sur les démarches qu'il conviendrait de faire faire à ce sujet. Je ne dois point cacher à Votre Majesté que je me suis aperçu, à travers des propos qu'il m'a tenus à cette occasion, que ses intentions paraissent être entièrement changées, et que, bien loin de désirer cette mission, il semble ne chercher actuellement qu'à la faire traîner en longueur. J'ai donc tout lieu de supposer que les autres ministres lui ont fait faire des observations à ce sujet qui ne s'étaient point

Potsdam, 26 novembre 1754.

J'ai reçu votre dépêche du 14 de ce mois, dont j'ai été bien satisfait par la manière que vous me l'avez rendu intéressante. Les différents traits qui sont échappés au sieur de Rouillé dans vos entretiens dont vous me rendez compte, m'ont surpris par les faux principes sur lesquels ils sont bâtis. Car, quant au commerce de mes États, on lui fait bien trop d'honneur que de croire qu'il soit sur un pied à pouvoir être poussé jusqu'aux échelles, et, supposé pour un moment qu'un de nos marchands voudrait hasarder de faire un trafic jusque là, ne courrait-il pas grand risque d'échouer d'abord dans son entreprise, par la première perte qu'il ferait par les corsaires d'Afrique, ainsi que raisonnablement il n'y aurait rien à craindre pour ceux qui

présentées à son esprit et qui ont opéré le changement dont je viens de faire mention. Les différents traits qui lui sont échappés dans les entretiens que j'ai eus avec lui sur ce point, me font croire que les doutes qu'on a excités en lui, roulent sur les objets suivants : primo, qu'on lui a représenté que, plus le commerce du Levant serait partagé, plus les puissances qui étaient en possession de le faire, y perdraient, et que par conséquent il était de l'intérêt de la France d'empêcher que Votre Majesté n'envoyât des vaisseaux dans les échelles,479-1 Secundo, qu'il était à craindre que Votre Majesté qui devait désirer l'abaissement de la maison d'Autriche avec plus d'ardeur que personne, n'abusât de la confiance que la Porte pourrait prendre en Elle, pour l'entraîner dans une guerre, ce qui était directement opposé aux vues du roi et du ministère de France, qui ne désirent que le maintien de la paix et qui sacrifient tout à cet objet. Comme j'aurai occasion de vérifier ces conjectures au retour de la cour à Versailles, où le sieur Rouillé m'a promis de me donner une réponse positive, je ne manquerai pas d'informer Votre Majesté de ce que j'en pourrai découvrir, et j'aurai l'honneur de Lui en rendre compte avec plus de certitude et dans un plus grand détail.“

sont en possession du susdit commerce.

Quant à l'autre point, on me fait le plus grand tort que de penser seulement que je pourrais viser à l'entraîner la France dans quelque guerre; l'expérience du passé doit obliger le sieur de Rouillé de penser mieux sur mon sujet, qui n'ai jamais conseillé la guerre à la France, mais plutôt toujours avisé pour la paix, et, quand j'ai été d'avis qu'il serait bon d'entretenir des liaisons avec la Porte, ce n'a jamais été dans d'autre but que d'en fortifier notre parti et d'avoir un allié respectable, dans le cas que d'autres voudraient attaquer la France ou moi. Je laisse à votre prudence de faire un usage convenable de ceci auprès du sieur Rouillé, pour le rectifier sur les idées absolument fausses qu'on lui a inspirées sur mon sujet.

Federic.

Nach dem Concept.



478-1 Zur Zeit des Marquis Valory. Vergl. Bd. VI, 523 ; VII, 230.

479-1 Vergl. S. 426. 455.