6923. AU DUC RÉGNANT DE BRUNSWICK A BRUNSWICK.

Schreiben des regierenden Herzogs von Braunschweig, Braunschweig 11. August: „Sire. Vingt-quatre heures étaient à peine écoulées depuis la réexpédition du courrier de Votre Majesté251-1 qu'on me fit avertir d'Hanovre que milord Holdernesse viendrait ici. Il arriva samedi et demanda hier, dimanche, une audience particulière, dans laquelle il m'exposa combien le Roi son maître et tout le ministère anglais reconnaissait que la tranquillité de l'Allemagne et surtout des Etats que son maître y possède, dépendait de Votre Majesté; il ajouta que la puissance formidable de Votre Majesté l'était d'autant plus par la supériorité du génie de Votre Majesté qui seule la conduisait; que ces considérations avaient déterminé le Roi son maître de l'envoyer pour me prier de me charger des propositions qui, à ce qu'il espérait, ne seraient pas trouvées indignes de l'attention de Votre Majesté. Je ne lui ai pas dissimulé que peut-être Votre Majesté ne pourrait pas trouver convenable que je me mêlasse de cette commission, cependant la même incertitude sur les volontés de Votre Majesté m'empêchant cette fois-ci, comme auparavant, de m'y refuser entièrement, j'ai cru de mon devoir de les entendre. J'ai demandé au ministre anglais de me donner par écrit ces propositions, mais il s'en est défendu sous prétexte d'un manque d'ordre. Il a consenti cependant de les répéter devant un de mes ministres, qui en ayant fait, à mesure qu'il parlait, une minute et la lui ayant lue, il n'a pas hésité de la reconnaître tout-à-fait conforme à ses discours, ce qu'il a assuré aussi dans ma présence.

C'est cette minute que j'ai l'honneur de présenter ci-jointe à Votre Majesté, remettant entièrement à Ses hautes lumières et Son bon plaisir si et comment Elle trouve à propos que je sois chargé de Ses ordres là-dessus.

Le passage du resserrement des nœuds de parenté et les circonstances en gros m'ayant fourni l'occassion de le sonder sur la situation du mariage projeté, il m'a fait entrevoir que, sans choquer le ministère anglais et même toute la nation, cette affaire ne pourrait prendre un pli sûr et décisif qu'après le retour du Roi en Angleterre, qui se ferait bientôt. Il ajouta d'une façon indirecte et assez fine que ce qui pourrait procurer le plus d'estime et de considération auprès de la nation à moi<252> et ma maison, serait, si on voyait que j'étais bien auprès de Votre Majesté et qu'Elle nous honorait, moi et Sa nièce, de Sa haute bienveillance. Je l'en crois aisément, n'ayant rien qui me soit plus précieux et ravissant que les bonnes grâces de Votre Majesté, et n'ambitionnant rien plus que de m'en rendre digne et d'être avec la vénération la plus zélée, tant que je vivrai, etc.

Précis des discours de milord Holdernesse.

Les différends survenus entre l'Angleterre et la France pourraient bien troubler le repos général de l'Europe et même porter le fléau de la guerre au sein de l'Allemagne. On a pourtant de la peine à concevoir sous quel prétexte on voudrait inquiéter un membre de l'Empire et comment on pourrait colorer une attaque sur les États allemands de Sa Majesté Britannique, en haine des mesures qu'elle s'est vue forcée de prendre pour la défense des droits et possessions de sa couronne dans le Nouveau Monde. Une attaque aussi injuste ne pourrait manquer d'être suivie des plus malheureuses conséquences; Sa Majesté se verrait obligée d'avoir recours aux puissances alliées, et des inondations des troupes étrangères mettraient le comble aux malheurs de l'Allemagne. Une telle calamité intéresse trop Sa Majesté le roi de Prusse pourqu'elle pût la voir arriver avec tranquillité, et les sentiments patriotiques de ce Prince sont trop bien connus pourqu'on puisse douter que, bien loin d'appuyer l'injustice d'une telle attaque, il ne fît ses efforts auprès de ses alliés pour en prévenir les suites funestes.

La droiture de Son Altesse Sérénissime et l'intérêt qu'elle doit prendre à la conservation du repos de l'Empire et de la sûreté des États allemands de Sa Majesté Britannique, tant en vertu des pactes de famille qu'en considération de l'amitié qui subsiste entre les deux branches de la maison, sont des garants de l'empressement avec lequel Son Altesse Sérénîssime emploiera ses bons offices auprès de Sa Majesté le roi de Prusse dans la conjoncture présente, et les vues qu'on a de resserrer de nouveau les nœuds de parenté et d'alliance pourraient également intéresser Sa Majesté Prussienne et Son Altesse Sérénissime à l'objet en question.

Ce que l'on désire de la part de Son Altesse Sérénissime, est qu'elle tâche de disposer Sa Majesté Prussienne à se prêter aux vues patriotiques de Sa Majesté le roi de la Grande-Bretagne pour la conservation de la paix en Allemagne, et de la porter à donner une promesse formelle qu'elle n'entreprendra rien directement, ni indirectement contre les États de Sa Majesté Britannique dans l'Empire et qu'elle ne prêtera aucun secours à la France dans les desseins qu'elle pourrait avoir contre Sa Majesté Britannique en Allemagne, et que pareillement elle ne s'oppose pas aux mesures défensives que Sa Majesté se verrait obligée de prendre en cas d'une telle invasion, et même qu'elle préviendrait et empêcherait la France d'entreprendre rien de pareil.

La réciprocité à accorder à Sa Majesté Prussienne pourra être facile à trouver.

Potsdam, 12 août 1755.

Monsieur mon Cousin. J'ai reçu votre lettre dans laquelle vous m'avez ouvert votre idée sur la situation présente des affaires de l'Europe.252-1 Je vous avoue qu'il est fâcheux de voir les démêlés qui se sont<253> élevés entre la France et l'Angleterre. Dans le fond de la querelle, le jeu ne vaut pas la chandelle. Les possessions que ces deux nations se disputent [dans les terres] incultes de Canada, sont un si petit objet que les grands armements qu'on fait, surpassent de beaucoup la valeur des pays litigieux. A vous dire naturellement mon avis, il sera qu'ils se sont précipités de part et d'autre dans les mesures qu'ils ont prises, qui les ont engagés plus loin peut-être qu'ils ont eu l'intention d'aller.

Il est sûr que, si l'on n'y porte un prompt remède, il y a toute apparence que la guerre passera en Europe, et qu'elle ne gagne, comme un mal contagieux, de voisin à voisin.

Vous m'expliquez les appréhensions que vous avez pour l'Allemagne; quoiqu'elles me paraissent prématurées, je serais fort embarrassé de répondre de l'évènement. Je suis cependant de l'opinion qu'il est encore temps de prévenir toutes les suites fâcheuses que vous semblez prévoir, et cela pourrait se faire en ménageant la dignité des deux couronnes par la médiation de leurs amis communs. La part que vous prenez aux intérêts du roi d'Angleterre, m'oblige de vous ouvrir une idée qui m'est venue dès le commencement de la brouillerie des deux nations, et dont il est libre à vous de faire l'usage que vous trouverez convenable. Il me paraît que, sans commettre l'honneur des deux couronnes, des mélaissé entraîner, sans paraître trop le prévoir. Quoi qu'il en soit, dans la situation présente de l'Europe, il est sûr que, si l'on n'y porte un prompt remède — comme vous le prévoyez très bien — la guerre de l'Amérique passera en Europe, et alors il sera sans doute à craindre que, comme un mal contagieux, elle ne gagne de proche en proche et ne communique enfin son épidémie à l'Allemagne, comme à toutes les autres nations.

Vous me marquez surtout les appréhensions que vous avez pour le Corps Germanique et en particulier pour les possessions que le roi d'Angleterre y a; quoique vos craintes me paraissent prématurées dans le moment présent, je ne voudrais cependant pas répondre de ce qui peut arriver. La France, pour ressentir la rupture des Anglais en Amérique, pourrait former des vues sur l'électorat d'Hanovre, ne pouvant attaquer les possessions du roi d'Angleterre à terre ferme d'un autre côté. Tout ceci est sur le chapitre des probabilités, mais, pour éviter ces troubles et toutes les suites malheureuses et ruineuses qui peuvent en résulter, je suis d'opinion qu'il ne faut point employer de palliatif, mais couper le mal dans sa racine, ce qui ne peut se faire que par une bonne paix. Je ne vois point d'impossibilité d'y réussir. Par l'entremise d amis communs, cet ouvrage salutaire pourrait s'acheminer; je vous ouvre mon cœur et vous parle peut-être avec trop de franchise, mais, si la reine de Hongrie ou les Hollandais, ou les Espagnols, ou le Danemark, ou quelques-uns de ceux-là, supposé la reine de Hongrie et moi, nous chargions de la médiation, que je trouvasse le moyen de la faire agréer de la France et qu'en conséquence nous travaillions à rapprocher les esprits, ïl y a grande apparence qu'entre ici et le printemps prochain, la paix serait faite, pourvu que sous main l'Angleterre et la France convinssent des médiateurs et agréassent leurs bon offices. Ce serait ensuite à nous, à nous proposer nous-mêmes ce qui sauverait l'honneur et la dignité des deux couronnes et vous tirerait de toutes vos inquiétudes. C'est, croyez-moi, l'unique remède efficace et le seul par lequel nous pouvons parvenir à maintenir l'Europe en paix et à empêcher la ruine de la patrie commune. Je me porterai à cette œuvre salutaire avec tout le zèle possible, et certainement je crois qu'après les premières illusions d'animosité dissipées, les deux puissances belligérantes auraient lieu d'être satisfaites de la paix.<254> diateurs pourraient leur proposer des voies de conciliation et couper par là le mal dans sa racine.

Je m'offrirais volontiers pour un des médiateurs, le roi d'Angleterre pourrait sonder son alliée, l'Impératrice-Reine,254-1 ou la république de Hollande ou l'Espagne ou le Danemark, et convenir sous main avec une de ces puissances.

J'emploierais de bon cœur mes bons offices auprès de la France pour voir de quelle manière elle saura agréer cette médiation-là. Et, pour sauver tout-à-fait l'honneur des deux couronnes, dès que nous serons convenus en secret des médiateurs, ils pourraient ensuite, ouvertement et comme d'eux-mêmes, proposer leur médiation aux deux couronnes.

Il y a toute apparence qu'entre ici et le printemps qui vient, on pourrait convenir de quelques articles préliminaires et terminer par là un démêlé peu important de lui-même, et qui ne peut devenir important qu'à mesure que l'honneur et la dignité des deux couronnes ne se trouvent lésés par la suite des hostilités.

Federic.

Nach dem Concept.



251-1 Vergl. S. 249.

252-1 Dem Weiteren liegt der folgende eigenhändige Entwurf zu Grunde: „Je vous avoue qu'il est fâcheux que des démêlés de peu d'importance dans le fond aient brouillé la France et l'Angleterre. Les possessions que ces deux nations se disputent dans les terres incultes de l'Acadie et du Canada, sont un objet si peu important de lui-même que les frais que chacune de ces nations a faits pour ses armements, surpassent de beaucoup la valeur du terrain litigieux. Il paraît même que des deux côtés on a agi avec trop de précipitation et que, de mesures en mesures, ces deux nations se sont vu engagées dans une rupture ouverte, où elles se sont

254-1 Vergl. S. 234.