6990. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

Breslau, 17 septembre 1755.

Le rapport que vous m'avez fait du 5 de ce mois, m'a été rendu. Je ne puis envisager autrement la nouvelle du combat qu'on prétend avoir été entre une des escadres françaises contre une autre anglaise au désavantage des derniers, comme le ministère de France l'a envisagée, et suis persuadé qu'elle est destituée de tout fondement.

Pour ce qui regarde, d'ailleurs, le contenu de votre rapport, vous ne vous fâcherez pas, quand je vous dirai tout naturellement que, pour cette fois-ci, je vous trouve français jusqu'aux bouts des ongles, quand vous préférez la conduite que les Français ont tenue jusqu'à présent, à celle des Anglais, et certainement vous n'avez pas pensé à ce que vous écriviez, quand vous avez osé comparer la perte de quelques vaisseaux marchands français306-2 à l'occasion perdue pour toujours de s'emparer à l'emblée et sans résistance de tout le Pays-Bas. Gardez-vous donc bien de plus m'écrire de pareilles puérilités, que je ne puis autrement envisager qu'en propos qui se tiennent au café public, et réfléchissez bien sur ce que vous me mandez, pour ne pas remplir vos dépêches par des misères.306-3

Jusqu'à présent, la France n'a contre soi que l'Angleterre; quelle différence, quand on compare les forces de la première contre la dernière! Et, pourvu que les Français auraient un peu d'ordre dans leurs arrangements et fait quelques efforts, quels avantages n'auraient-ils gagnés sur les Anglais! Pensez avec attention à la différente situation où<307> Louis XIV se trouvait, quand presque toute l'Europe s'était réunie contre lui, entre celle où la France se trouve actuellement, n'ayant contre elle que la seule Angleterre, contre laquelle elle use de mille détours et de compliments, avant que de vouloir entrer en lice, et cela dans un moment où il paraît de plus en plus que la République ne veut pas se mêler des différends et que les Autrichiens paraissent vouloir préférer la neutralité à la guerre.

Enfin, que tout cela vous serve de correction, pour ne pas coucher légèrement, sans penser, sans réfléchir, les rapports que vous me ferez.

L'avis que vous venez de me donner au sujet des ordres donnés par les ministres de France au sieur Linault à Dresde pour faire des insinuations relatives à un traité de subsides, me vient un peu tard. Tout cela est arrivé avant quatre semaines,307-1 et le sieur Linault a renvoyé son courrier il y a presque quinze jours, de sorte que le gazetier de Leyde nous a déjà annoncé ce secret.

Apprenez donc de m'avertir des choses, avant qu'elles soient mises en exécution et connues au public; sans cela, vos avis ne me serviront de rien et feront la moutarde après le dîner.

Au surplus, je vous fait part de la nouvelle que mes lettres de la Haye307-2 m'ont appris, et en conséquence desquelles une des frégattes anglaises a pris et emmené à Portsmouth quatre vaisseaux marchands français, qui au départ de la dernière poste de Londres n'étaient pas encore relâchés, et qu'on avait paru vouloir déclarer de bonnes prises.

Federic.

Nach dem Concept.



306-2 Vergl. S. 293.

306-3 Vergl. S. 126.

307-1 Vergl. S. 284. 255.

307-2 Bericht Hellen's, Haag 9. September.