7025. AU DUC RÉGNANT DE BRUNSWICK A BRUNSWICK.

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334-1J'ai reçu le factum des Anglais avec la carte de l'Ohio que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Cette affaire est très compliquée, je crois qu'on aurait pu s'expliquer davantage dans l'article du traité d'Utrecht, et que, par une définition nette de ce que l'on entend par le nom de la Cayenne, on aurait prévenu tous les sujets de dispute qu'ont à présent les Anglais et les Français. Quant au fond de ce différend, Dieu seul, juge des rois, peut en prononcer. Je passe à présent de l'Amérique en Europe et de l'Europe à notre chère patrie, et je crois avoir compris par votre lettre que le roi d'Angleterre exige de moi une neutralité pour le pays d'Hanovre. Quant à mon personnel, je lui répondrais d'abord que je n'ai jamais formé dessein direct ni indirect sur ses États d'Hanovre et que, par conséquent, quant à moi, je pour-

[Sans-souci, 13 octobre 1755.]334-2

J'ai reçu le factum des Anglais avec les cartes de la Cayenne334-3 etc. que vous avez eu la bonté de m'envoyer. C'est une cause très compliquée et qu'il semble que le hasard ait pris plaisir d'embrouiller. Je crois qu'on aurait pu s'expliquer plus nettement dans le traité d'Utrecht sur ce qu'on entend par la Cayenne, et que, par quelques éclaircissements, on aurait alors pu prévenir les brouilleries des Anglais et des Français. C'est à Dieu, le seul juge des rois, à décider du droit de ces nations. Je passe à présent de l'Amérique en Europe et de l'Europe à notre chère patrie. Si j'ai bien compris votre lettre, je crois y avoir entendu que le roi d'Angleterre exige de moi une déclaration de neutralité pour ses États d'Hanovre. Quant à la Prusse, je peux lui répondre que nous n'avons jamais eu de dessein

rais lui en garantir la neutralité, sans que ma volonté ne me donnât jamais un désaveu sur cette déclaration; mais je vous prie de considérer d'un autre côté que je ne peux point assurer des évènements; qu'étant encore allié de la France, je ne suis cependant en aucune façon en état de répondre de sa conduite; qu'à la vérité notre alliance n'est simplement que défensive, mais que je ne vois point par quel droit je pourrais l'empêcher de pousser sa pointe. Ne serait-elle pas en droit de me dire : « Nous avons embrassé vos intérêts lors des différends que vous eûtes avec les Anglais335-1 touchant la déprédation de quelques vaisseaux prussiens,335-2 nous vous avons promis nos secours, au cas que le roi d'Angleterre poussât jusqu'aux hostilités ses prétentions sur l'Ostfrise que ses ministres à Ratisbonne semblaient annoncer, et à présent que nous sommes en guerre avec ces mêmes Anglais que vous n'avez pas empêchés de nous prendre nos vaisseaux, vous voulez nous empêcher de nous défendre! » D'ailleurs, comment voulez-vous que je heurte de front des alliés qui ne m'ont jamais manqué, et que, pour faire plaisir au roi d'Angleterre, je me trouve isolé en Europe et peut-être contraint par les conjonctures de faire la guerre seul et sans alliés, sans compter que, si l'on exige des démarches de ma part, il faut que je sois bien sûr d'un autre, qu'on ne prenne pas des mesures qui m'obligent à les rompre. Quelque envie que j'aie de cultiver

direct ni indirect sur les possessions allemandes du roi d'Angleterre, sur lesquelles nous n'avons ni droits ni prétentions; qu'ainsi je peux répondre de la Prusse et que certainement nous ne désirons que le maintien de la paix; mais comment le roi d'Angleterre veut-il prétendre de moi — qui ne suis ni en liaison ni en traité avec lui — que je lui réponde des évènements futurs, lui qui ne s'explique point de ses propres desseins et qui peut prendre telles mesures qui m'obligeraient à contre-cœur de sortir de l'inaction et de prévenir des conjonctures dont le danger pourrait retomber sur l'État que je gouverne. Il est vrai que, l'année 1741, je fus assez heureux que d'arrêter les opérations du maréchal de Maillebois et de donner lieu au traité que le sieur de Münchhausen signa à Francfortsur-le-Main, mais à présent les conjonctures sont différentes. Je suis à la vérité allié de la France, notre traité est simplement et purement défensif, mais sous quel prétexte et avec quelles couleurs pourrais-je couvrir une démarche aussi singulière que serait de ma part celle de prescrire des bornes aux mesures qu'elle peut prendre : Ne seraitelle pas en droit de me dire: »Nous avons embrassé vos intérêts lors des différends que vous eûtes avec les Anglais touchant la déprédation de quelques vaisseaux prussiens, nous vous avons assurés de nos secours, au cas que le roi d'Angleterre, pour soutenir je ne sais quelles prétentions qu'il forme sur l'Ostfrise, en vint jusqu'à la rup-

l'amitié du roi d'Angleterre, ce ne peut jamais être aux dépens de l'État dont je ne suis que le premier serviteur, et auquel mon devoir m'oblige de sacrifier mes inclinations personnelles, mes affections, mes haines et, en un mot, toutes mes passions. En vain diraiton à un pilote qui cherche un port pour éviter l'orage, qu'il doit revirer de bord et retourner en mer : il continuera sa route pour se garantir du danger; mais, si on lui en indique une plus sûre et plus courte, il la suivra avec plaisir. Quant à mon personnel, je serai toujours flatté de donner au roi d'Angleterre des marques de l'estime et de la considération que j'ai pour lui; mais, quant aux affaires qui regardent l'État dont le destin m'a confié le gouvernement, j'espère que, s'il veut me faire des propositions qui regardent cet État, il voudra bien combiner les intérêts de la Prusse avec ceux de l'Angleterre d'une façon qu'ils s'accordent.

ture, et, à présent que nous sommes en guerre avec ces mêmes Anglais, lesquels vous n'avez pas empêchés de prendre nos vaisseaux, vous voulez nous empêcher d'employer les moyens que nous jugeons les plus propres pour nous défendre?« Ne m'accuserait-on pas avec justice d'ingratitude envers des alliés dont je n'ai point à me plaindre et d'étourderie de m'être engagé d'un côté à seconder le roi d'Angleterre, sans savoir ses intentions ni ses desseins? On exige beaucoup de moi, sans s'expliquer d'un autre côté. Je serai en tout temps disposé à recevoir ceux que le roi d'Angleterre voudra m'envoyer, et, pour mon particulier, à lui donner des marques de l'estime et de la considération que j'ai pour lui; je dois cependant vous avertir qu'en qualité d'homme qui gouverne un État dont le bonheur et la garde m'est confié, mon premier devoir est de penser à ne faire aucune démarche contraire à ses intérêts, que je dois lui sacrifier mes penchants, mes haines, mon personnel et, en un mot, toutes mes passions; qu'ainsi, si le roi d'Angleterre ou quelque prince de l'Europe me fait des propositions, il faut avant tout que les intérêts de la Prusse s'accordent avec ceux de la nation qui me fait des propositions, et que, si on exige de moi que je m'explique, je suis de même en droit d'exiger qu'on s'explique de son côté.

Nach dem eigenhändigen Entwurf resp. Concept.

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334-1 Dritter Entwurf des Königs zu dem in nebenstehender Fassung abgegangenen Schreiben.

334-2 Das Datum von der Hand des Cabinetssecretärs, nebst dem Vermerk: „Dieses ist der Brief so eigentlich abgegangen“ .

334-3 Sic.

335-1 Vergl. S. 333 Anm. 2 und 3.

335-2 In der Vorlage verschrieben: français.