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celui de ses alliés en qui elle avait eu le plus de confiance, et qu'il était bien plus cruel encore que, par l'effet d'une réticence qui lui paraissait être sans exemple, le même Prince qui venait de faire un traité avec le seul ennemi qu'eût Sa Majesté Très Chrétienne, se fût rendu le dépositaire de ses pensées les plus secrètes et les plus importantes. Qu'il n'avait jamais cru que son ministère servirait d'époque à un évènement aussi affligeant, et qu'après avoir reçu la nouvelle de la conclusion de ce traité, il s'était toujours flatté que Votre Majesté en avertirait au moins le duc de Nivernois et qu'Elle ne recevrait point les participations qu'il était chargé de Lui faire; maïs qu'il venait de voir, par les dépêches qu'il avait reçues de ce dernier, qui étaient du 17 et du 20, que jusqu'à présent Votre Majesté ne lui en avait fait aucune ouverture et que les témoignages particuliers de bonté et de distinction qu'Elle lui avait accordés, avaient même encore augmenté sa sécurité à cet égard. Le sieur de Séchelles, que j'ai vu le même jour, m'a parlé à peu près dans le même sens, en ajoutant cependant qu'il était d'autant plus fâché de la démarche que Votre Majesté venait de faire, que, si le traité qu'Elle avait conclu avec l'Angleterre, n'avait pour objet que la neutralité de l'Allemagne, la cour de France, si on avait agi de concert avec elle, n'aurait vraisemblablement fait aucune difficulté d'y donner son consentement, moyennant de certaines restrictions sur lesquelles il aurait été aisé de s'accorder; mais qu'il me laissait à considérer combien cet évènement devenait affligeant pour sa cour par le mystère qu'on lui en avait fait; quels soupçons il devait naturellement inspirer au Roi, et le ridicule qu'il jetait sur la mission de M. de Nivernois; que, quelque zélé qu'il fût pour la gloire et les intérêts de Votre Majesté,1 il n'avait point osé entreprendre de La justifier sur cette démarche et qu'il ne saurait assez m'exprimer combien il était affecté des suites qui pourraient en résulter.“

que j'ai faite, selon que ma situation l'exigeait, j'attendrai tout tranquillement le parti qu'ils voudront prendre, et n'ai besoin que de vos avis exacts sur celui auquel ils se détermineront à la fin. Us seront peut-être de mauvaise humeur, tant qu'ils n'ont que des notices vagues sur cette convention; ils changeront peut-être de ces humeurs, quand ils liront la convention même2 et verront par là que je l'ai faite avec tout le ménagement qui a dépendu de moi. Et comme j'ai tout communiqué, et le traité même, au duc de Nivernois,3 en lui donnant tous les éclaircissements qui le regardent, qui en a fait son rapport au ministère par le dernier courrier qu'il a dépêché, c'est à présent que vous devez veiller particulièrement d'attention et employer tout votre savoir-faire pour savoir au plus juste de quelle façon les ministres penseront, quand pièces en mains ils auront vu la convention avec toutes les circonstances qui l'ont accompagnée, dont vous me ferez après votre rapport tout naturellement et avec toute la fidélité et l'exactitude requise, afin que je me puisse y diriger.

J'ai usé à l'occasion de ladite convention de tout le ménagement pour la France dont j'ai été capable; il me semble que leur grand objet devait être l'Angleterre, mais, s'ils veulent tourner toute leur rage et leur haine contre moi ou continuer à chipoter avec les Autrichiens,4 je veux bien vous communiquer mes idées sur tous les partis qu'ils sauront prendre, afin



1 Vergl. Bd. XI, 36. 89.

2 Vergl. S, 61.

3 Vergl. S. 48.

4 Vergl. S. 95. 96.