<141> traité avec l'Angleterre. Les différents propos qui sont échappés depuis ce temps-là à un homme qui est initié dans les mystères du cabinet de France, et qui a fait entrevoir à une personne de ma connaissance qu'il avait conçu le même soupçon, ne me confirment pas seulement dans cette opinion, mais me portent aussi à croire que cette négociation se traite entre M. Rouillé, l'abbé de Bernis, le comte Starhemberg, Madame Pompadour et l'abbé de La Ville, et que les autres ministres de France n'en ont aucune connaissance, pas même le comte d'Aubeterre, qui devrait naturellement en être instruit. J'ai sondé mardi dernier1 M. Rouillé à ce sujet, qui, après m'avoir assuré vaguement que cette supposition n'était point véritable et qu'elle était contraire aux principes sur lesquels l'antipathie de la France pour la maison d'Autriche avait été fondée pendant plusieurs siècles, n'a cependant jamais voulu entrer en explication, ni assurer positivement qu'elle fût sans fondement. La connaissance que j'ai du caractère de ce ministre, et les chipotages du comte Starhemberg, qui continuent toujours, ne me permettent donc plus de douter qu'on n'ait réellement entamé une négociation avec la cour de Vienne.“

Potsdam, 24 février 1756.

J'ai reçu votre dépêche du 13 de ce mois. Je suis extrêmement surpris du soudain changement qui vient d'arriver comme un coup de pistolet à l'égard de Madame de Pompadour, en conséquence de ce que vous m'en marquez. Autant que j'en conjecture, il me paraît qu'elle a été obligée en quelque manière de faire telle démarche, soit que d'un côté elle ait craint qu'à la première maladie dont le roi de France saurait être attaqué, elle ne soit renvoyée tout comme la Châteauroux,2 soit que d'un autre côté elle ait aspiré à la place de dame du palais pour vivre bien selon son opinion avec le Roi, la Reine et avec toute la cour; ce qui apparemment s'éclaircira bientôt, car, si elle reste avec le Roi sur le même pied qu'elle a été, elle n'a autrement pris ce parti que pour vivre avec plus de distinction à la cour, et gardera ni plus ni moins son influence dans les affaires comme ci-devant. Mais, si tout de bon la dévotion a été établie dedans le Roi, cela ne durera guère avec sa faveur, qui, après les Pâques, s'amortira peu à peu.

Pour ce qui regarde le dépit que M. de Rouillé vous fait remarquer contre ma convention, tandis que les chipotages avec le comte de Starhemberg vont grand train, je suis bien aise de vous faire observer que, plus M. de Rouillé trouvera préjudiciable ma convention aux intérêts de la France et plus il chicanera là-dessus, plus la négociation secrète avec les Autrichiens ira en avant. C'est pourquoi je vous recommande a.u mieux de tâcher s'il est possible de pénétrer sur quels points proprement cette négociation roule; sur quoi, vous n'épargnerez rien au monde pour en être instruit.

Je viens de recevoir les propositions que les ministres anglais m'ont communiquées comme leur dernier mot pour un accommodement avec la France. Comme le duc de Nivernois fera partir, samedi de la semaine ou nous sommes, un courrier en France,3 vous recevrez par ce courrier ces propositions,4 pour les communiquer aux ministres, avec une lettre



1 10. Februar.

2 Vergl. Bd. III, 262.

3 Vergl. S. 136.

4 Vergl. Nr. 7299.