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à moins que cela ne se fasse d'abord et dans le courant de l'année présente, il ne faut presque plus douter que le feu de la guerre ne s'étende extrêmement et qu'elle ne soit des plus compliquées qu'on en a jamais eue.

Que la cour de France néglige présentement, comme vous dites, les affaires de l'Italie et celles de l'Allemagne, il ne faut pas en être étonné; dans la conjoncture présente, il n'en est pas trop question, et la France n'a pas nécessaire de s'y donner beaucoup de mouvements.

Mais ce que je ne puis pas bien comprendre, c'est que la France fait chipoter à présent à Pétersbourg, et à quelles vues elle le fait; car je ne saurais nullement me persuader que sa politique serait aussi faible et mauvaise qu'elle voudra aussi aveuglément complaire à la cour de Vienne que d'entrer dans tous les desseins de celle-ci et d'élever par là la nouvelle maison d'Autriche à une telle grandeur qui deviendrait redoutable à la France même, sans qu'elle saurait jamais l'en faire revenir. A quel sujet, je veux bien vous communiquer ce qu'on m'en écrit de Stockholm,1 savoir que l'arrivée d'un émissaire de la France, le sieur de Douglas, à Pétersbourg faisait actuellement en Suède le sujet de bien des réflexions; qu'on le regardait comme celui qui dût préparer une grande négociation pour la conclusion d'une alliance entre les cours de Paris et de Pétersbourg et de Vienne, négociation que le marquis d'Havrincour finirait après cela, qui, selon des lettres qui étaient entrées à Stockholm, devait, au cas que l'émissaire français réussît, aller avec le caractère d'ambassadeur en Russie. Quoique je doute fort de la réalité de cet article, quant à la conclusion de l'alliance mentionnée, vous devez cependant faire au mieux pour vous orienter sous main sur ce qui peut être l'objet de l'envoi du susdit sieur de Douglas à Pétersbourg; vous observerez bien cependant que, pourvu qu'il courait de pareils bruits là où vous êtes ou qu'on vous parlât d'une alliance à faire entre les cours de France, de Russie et de Vienne, vous ne devez point marquer des inquiétudes là-dessus, mais faire semblant plutôt comme si tout cela vous était une chose bien indifférente.

Du reste, mandez-moi exactement et de manière que j'y puisse compter, si le ministère de France commence de revenir des préjugés qu'il s'était formés sur ma convention de neutralité faite avec l'Angleterre, et du mécontentement qu'il en avait conçu,2 ou s'il en garde encore quelque amertume dans le cœur; tâchez de bien pénétrer ceci et m'en rendez compte fidèlement.

Pour ce qui regarde ce que M. de Rouillé vous a répété du désir sincère qu'il avait que les troubles qui se sont élevés entre le roi et le Sénat de Suède, [puissent être pacifiés], vous lui direz que je m'entendrais très volontiers avec la France pour une médiation à concilier les différends entre le Roi et le Sénat selon la teneur de la forme du gou-



1 Bericht des Grafen Solms, Stockholm 21. Mai. Vergl. S. 372.

2 Vergl. S. 114. 160.