<462> cour de Vienne ne se trompait point à l'égard de la Russie, qui pourrait bien vouloir prêter les mains au recouvrement de la Silésie, mais qui ne serait pas également disposée à seconder les vues de l'Autriche par rapport à la religion. Le comte Flemming continue que, dans cet état embrouillé et si critique des affaires générales, il était très avantageux pour la Saxe de se trouver absolument sans engagement et en pleine liberté de prendre parti selon l'exigence des cas, vu qu'il y avait lieu d'espérer qu'il se présenteraient des conjonctures qui la feraient rechercher, surtout si ses troupes se trouvaient en bon état : réflexion qui lui rappelait l'inquiétude de l'Impératrice-Reine au sujet de la dernière réduction des troupes saxonnes1 et la satisfaction qu'elle avait témoignée, lorsque lui, Flemming, l'avait assurée que cette réduction n'était point du tout si considérable qu'on l'avait dite à Sa Majesté. Qu'au reste la république de Hollande n'avait pas tort d'être inquiète sur la teneur de la convention conclue entre la France et l'Autriche et sur les influences que cette convention pourrait avoir tant à l'égard du système général de l'Europe que par rapport à ses intérêts particuliers, étant certain que, selon les principes qui dirigeaient actuellement la cour de Vienne, elle n'aurait aucun scrupule de sacrifier les Puissances maritimes, d'autant plus qu'elle avait assez montré jusqu'ici combien elle se trouvait gênée par le joug imposé par le traité de barrière relativement aux Pays-Bas,2 où l'on voudrait avoir les mains entièrement libres, pour disposer arbitrairement.“

Potsdam, 25 juin 1756.

J'ai reçu votre rapport du 18 de ce mois, par lequel je devrais presque juger que le sieur Gross ne se trouve pas entièrement informé des cabales qui se font à sa cour, ni de celle que les Autrichiens y trament. En attendant, il n'est plus douteux que ce ne soit moi que toutes ces allures ont pour objet, et, comme il se pourrait que le sieur Gross fût mieux informé à présent qu'il ne l'a été jusqu'ici, des, vues de sa cour eu égard à son armement actuel, vous tâcherez, soit par le canal du ministre anglais ou de quelque autre tiers, ou bien en parlant vous-même avec ledit sieur Gross, d'en pénétrer le secret, savoir si l'armement, tant de la Russie que celui de l'Autriche, dont la première assemble de gros corps d'armée en Livonie et en Courlande, tout ainsi qu'aux environs de Smolensk, pendant que les Autrichiens en font autant en Moravie et en Bohême, si, dis-je, ces différents armements ont des vues réelles ou bien une simple ostentation pour but, et quelles peuvent proprement être les intentions de la Russie.

Au reste, je ne serais pas bien aise que vous continuiez d'être fort faufilé avec le comte Broglie, et je suis d'avis que, quoique vous ayez toujours à observer tous les dehors avec lui, vous deviez vous abstenir de lui faire des confidences.

Vous tâcherez, au contraire, de vivre en grande intimité avec le lord Stormont,3 et c'est en conséquence que j'ai parlé ici au ministre anglais, le sieur Mitchell, pour qu'il y ait une entière et parfaite intelligence entre vous et ledit lord.

Au surplus, comme je commence à envisager la guerre comme inévitable, vous ferez tout au monde pour avoir des nouvelles des plus



1 Vergl. S. 332.

2 Vergl. S. 447; Bd. X, 532; XI, 481.

3 Vergl. S. 138. 421.