7274. RAISONS DE MAÎTRE ROUILLÉ POUR RÉFUTER LA DÉFENSE DE MA CONDUITE ET DES MOTIFS QUI ONT FAIT FAIRE A MAÎTRE FEDERIC LA CONVENTION DE NEUTRALITÉ POUR L'ALLEMAGNE.114-2

[Potsdam, février 1756.]

Maître Rouillé :

1° Que la Prusse n'a pas garanti strictement les possessions de la France en Amérique, qu'il fallait remarquer cependant que l'Angleterre faisait à cette couronne une guerre offensive en Europe qui pouvait se communiquer au continent et devenir par conséquent relative au traité de la Prusse et de la France, au cas que cette dernière fût attaquée dans le continent de l'Europe.

2° Que, par une suite de la même raison, il n'avait pas été loisible à la Prusse de transiger pour la neutralité, dans le cas où la France peut être attaquée.

3° Que le traité de 1741, quoique prêt à échoir, ne l'était pas, et qu'il aurait fallu attendre qu'il fût expiré, avant que de traiter avec l'Angleterre.

4° Que, d'ailleurs, la Prusse était encore liée avec la France par un autre traité qui était celui de l'alliance défensive qui subsistait entre la Prusse, la Suède et la France.114-3

5° Que la neutralité qu'on venait d'établir, faisait perdre à la France le fruit de toutes ses alliances qu'elle avait en Allemagne, et qu'elle avait formées pour la défense de la Prusse.

6° Que, par ce traité de neutralité, l'Angleterre pouvait se servir pour la défense de ses îles de toutes les troupes auxquelles elle donnait des subsides en Allemagne; qu'il résultait donc de cette démarche de la Prusse de si grands inconvénients pour la France qu'on devait supposer que la Prusse avait perdu jusques aux traces les plus légères l'attachement qu'elle avait eu pour la France, sans quoi elle ne se serait jamais portée à une démarche si contraire à ses véritables intérêts. Que maître Rouillé était effrayé, quand il pensait que la France se trouverait empêchée de faire la diversion d'Hanovre, si sensible au roi d'Angleterre, et que cet empêchement venait du plus ancien allié du Roi Très Chrétien; qu'il était donc affligeant de voir qu'au cas que le roi de France portât la guerre en Allemagne, il trouvât le plus cher<115> de ses amis ligué avec115-1 ses ennemis, pour l'empêcher d'entreprendre une défense légitime.

7° Que cette démarche de la Prusse ne pourrait pas manquer d'inspirer beaucoup de défiance à tous ses alliés du Nord, et que cette démarche contribuerait beaucoup à décourager ces puissances du Nord, prêtes à prendre des résolutions vigoureuses.

Conclusio :

Que le traité de neutralité paraissait donc contraire à l'esprit de ceux qui avaient été signés entre la Prusse et la France, totalement opposé aux intérêts de cette dernière, incompatible avec l'étroite harmonie qui régnait entre les deux cours, outrageant pour la France par les circonstances dont cet évènement avait été accompagné.

Que M. Rouillé ne comprenait pas le motif que j'avais eu de faire ce traité si extraordinaire, et qui s'accordait si mal avec les intérêts de la Prusse.

Que, si la cour de Vienne et de Russie attaquaient la Prusse, l'Angleterre ne pouvait lui donner les secours que la France pouvait lui faire tenir.

Que, comme l'engagement que la Prusse a pris avec l'Angleterre pour empêcher toute troupe étrangère d'entrer en Allemagne, était plus grand que celui que l'on avait avec la France, il inférait de là qu'il fallait nécessairement que, hors le corps du traité, il y eût des articles séparés, parcequ'on avait tant caché cette démarche à la France; qu'il lui était surprenant que, m'ayant communiqué tous les projets de la France, j'eusse fait ce traité sans la permission de maître Rouillé, qui y aurait consenti, si on la lui avait demandée.

Nach dem eigenhändigen Originalauszug.



114-2 Eigenhändiger Auszug des Königs aus der Depesche Knyphausen's vom 8. Februar 1756. Vergl. S. 115 Anm. 2. Die Replik des Königs siehe unter Nr. 7275.

114-3 Vergl. Bd. V, 406; VI, 36.

115-1 In der Vorlage verschrieben: contre.