7298. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

Knyphausen berichtet, Paris 13. Februar: „Il est arrivé ces jours-ci un évènement à la cour de France qui a causé une surprise générale, et auquel peu de personnes étaient préparées, c'est le choix que le Roi a fait de Madame Pompadour pour être dame du palais de la Reine. Cette Princesse a eu beaucoup de peine à se prêter à cette nomination, et l'on prétend qu'elle n'y a donné son agrément qu'en vertu de la promesse que le Roi lui a faite qu'il n'y aurait dorénavant aucun commerce entre lui et Madame Pompadour et que les liaisons qu'il conserverait avec elle, ne seraient fondés que sur l'amitié. Pour rendre cet engagement d'autant plus solennel et convaincre le public de sa réalité, Madame de Pompadour a non seulement écrit une lettre fort touchante à son mari,140-2 pour l'inviter à renouer avec elle, mais elle a aussi pris un directeur, nommé le père Sacy, pour gouverner sa conscience et la purifier de toutes les taches dont elle peut avoir été ternie jusqu'à présent. Le Roi a pareillement déclaré qu'il était prêt d'immoler à Dieu tout ce qu'il pouvait y avoir eu de charnel dans ses désirs, et qu'après qu'il en aurait effacé les souillures par le secours de la confession, il ferait ses dévotions à Pâques prochain, qui ont été suspendues pendant plusieurs années140-3 Le Roi continue de la voir avec assiduité, et les ministres lui font leur cour avec empressement.“

Knyphausen meldet ferner, dass das französische Ministerium die dem Herzog von Nivernois übergebene Copie des preussisch-englischen Vertrages140-4 jetzt erhalten habe. „M. Rouillé m'a paru être peu édifié de ce traité et m'a dit, après m'avoir prévenu qu'il ne pouvait me faire encore aucune ouverture ministérielle à ce sujet, qu'il ne concevait point comment Votre Majesté, qui avait garanti par ce traité les possessions de la Grande-Bretagne en Europe, croyait pouvoir garantir aussi celles de la France, tandis que ces deux puissances étaient prêtes à entrer en guerre et que leurs opérations ne se borneraient vraisemblablement pas à l'Amérique. En suite de quoi, il ajouta que cet article, ainsi que le premier, par lequel Votre Majesté avait rappelé la garantie du traité de Westminster, liaient généralement les mains à la France pour toutes les opérations qu'elle pourrait entreprendre en Europe contre la Grande-Bretagne, et assuraient à cette dernière l'assistance de Votre Majesté dans tontes les entreprises qu'on avait projetées contre elle … Je ne saurais cacher à Votre Majesté que le ministère de France paraît être tous les jours plus affecté de cet événement et que la copie de ce traité qu'Elle a communiquée à M. de Nivernois, a répandu ici la plus grande consternation … J'ai eu l'honneur de mander à Votre Majesté par ma dernière lettre immédiate140-5 que j'avais lieu de soupçonner que la cour de Vienne avait entamé une négociation secrète auprès du ministère de France, dans la vue de profiter du refroidissement que peut avoir occasionné Son<141> traité avec l'Angleterre. Les différents propos qui sont échappés depuis ce temps-là à un homme qui est initié dans les mystères du cabinet de France, et qui a fait entrevoir à une personne de ma connaissance qu'il avait conçu le même soupçon, ne me confirment pas seulement dans cette opinion, mais me portent aussi à croire que cette négociation se traite entre M. Rouillé, l'abbé de Bernis, le comte Starhemberg, Madame Pompadour et l'abbé de La Ville, et que les autres ministres de France n'en ont aucune connaissance, pas même le comte d'Aubeterre, qui devrait naturellement en être instruit. J'ai sondé mardi dernier141-1 M. Rouillé à ce sujet, qui, après m'avoir assuré vaguement que cette supposition n'était point véritable et qu'elle était contraire aux principes sur lesquels l'antipathie de la France pour la maison d'Autriche avait été fondée pendant plusieurs siècles, n'a cependant jamais voulu entrer en explication, ni assurer positivement qu'elle fût sans fondement. La connaissance que j'ai du caractère de ce ministre, et les chipotages du comte Starhemberg, qui continuent toujours, ne me permettent donc plus de douter qu'on n'ait réellement entamé une négociation avec la cour de Vienne.“

Potsdam, 24 février 1756.

J'ai reçu votre dépêche du 13 de ce mois. Je suis extrêmement surpris du soudain changement qui vient d'arriver comme un coup de pistolet à l'égard de Madame de Pompadour, en conséquence de ce que vous m'en marquez. Autant que j'en conjecture, il me paraît qu'elle a été obligée en quelque manière de faire telle démarche, soit que d'un côté elle ait craint qu'à la première maladie dont le roi de France saurait être attaqué, elle ne soit renvoyée tout comme la Châteauroux,141-2 soit que d'un autre côté elle ait aspiré à la place de dame du palais pour vivre bien selon son opinion avec le Roi, la Reine et avec toute la cour; ce qui apparemment s'éclaircira bientôt, car, si elle reste avec le Roi sur le même pied qu'elle a été, elle n'a autrement pris ce parti que pour vivre avec plus de distinction à la cour, et gardera ni plus ni moins son influence dans les affaires comme ci-devant. Mais, si tout de bon la dévotion a été établie dedans le Roi, cela ne durera guère avec sa faveur, qui, après les Pâques, s'amortira peu à peu.

Pour ce qui regarde le dépit que M. de Rouillé vous fait remarquer contre ma convention, tandis que les chipotages avec le comte de Starhemberg vont grand train, je suis bien aise de vous faire observer que, plus M. de Rouillé trouvera préjudiciable ma convention aux intérêts de la France et plus il chicanera là-dessus, plus la négociation secrète avec les Autrichiens ira en avant. C'est pourquoi je vous recommande a.u mieux de tâcher s'il est possible de pénétrer sur quels points proprement cette négociation roule; sur quoi, vous n'épargnerez rien au monde pour en être instruit.

Je viens de recevoir les propositions que les ministres anglais m'ont communiquées comme leur dernier mot pour un accommodement avec la France. Comme le duc de Nivernois fera partir, samedi de la semaine ou nous sommes, un courrier en France,141-3 vous recevrez par ce courrier ces propositions,141-4 pour les communiquer aux ministres, avec une lettre<142> ostensible de ma part que vous pourrez lire à M. de Rouillé, et qui vous servira d'ailleurs d'instruction pour vous y conformer à ce sujet, ce dont j'ai bien voulu vous avertir d'avance.

Federic.

Nach dem Concept.



140-2 Lenormand d'Estioles.

140-3 Vergl. Bd. VIII, 292; IX, 43.

140-4 Vergl. S. 61.

140-5 Vergl. Nr. 7285.

141-1 10. Februar.

141-2 Vergl. Bd. III, 262.

141-3 Vergl. S. 136.

141-4 Vergl. Nr. 7299.