7474. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Potsdam, 4 mai 1756.

Les rapports que vous m'avez faits du 20 et du 23 du mois passé d'avril, m'ont été bien rendus. Quant à ce qui s'est passé encore entre le landgrave de Hesse-Cassel et le général Pretlack, que la cour de Vienne lui a envoyé, je crois vous avoir déjà informé309-2 qu'il ne s'est agi dans la première audience qu'il a eue, que des intercessions faites de la part de ladite cour à ne pas vouloir gêner le Prince héréditaire sur son changement de religion. Mais comme le grand but du susdit émissaire a été de disposer le Prince d'aller se jeter dans les bras de la cour de Vienne, et que309-3 cet émissaire avait manqué son projet de parler lui-même au Prince, par le prompt départ que celui-ci avait fait pour Berlin, il s'est à la fin déboutonné envers le Landgrave, en lui déclarant que c'était passé un an que le Prince avait sollicité auprès de l'Impératrice-Reine la charge de général d'infanterie parmi ses troupes, demande à laquelle l'Impératrice n'avait pas pris attention alors, mais que, le Prince ayant réitéré cette demande, elle voulait à présent bien s'y prêter et accorder au Prince le brevet de général d'infanterie, tel qu'il avait autrefois désiré, savoir avec l'ancienneté de l'an 1747, et qu'elle ne doutait pas que le Landgrave n'y donnât son agrément. Sur quoi, celui-ci ayant répondu qu'il n'avait jamais eu la moindre connaissance que le Prince son fils eût fait une pareille démarche, qui tout au contraire avait protesté le plus solennellement de n'avoir eu du tout aucune correspondance ni liaison avec la cour de Vienne, lui, le Landgrave, se voyait ainsi obligé de s'éclaircir avec le Prince là-dessus. Ce qui a fait prendre la résolution au général Pretlack d'envoyer d'abord son adjudant, un certain capitaine de cavalerie comte Rall, à Berlin, avec une lettre au Prince pour le prier de ne pas lui donner le démenti<310> sur ce qu'il avait proposé au Landgrave. Comme j'ai pris occasion de là de faire expliquer le Prince,310-1 il m'a fait dire qu'il m'avouait avec franchise que, vers la fin de l'année passée et lorsqu'il avait eu le dessein de se retirer de sa demeure à Hersfeld, après des intrigues et des chipoteries, il avait écrit à la princesse de Hesse-Rothenburg qu'elle pourrait écrire à Vienne que, si l'on voulait de lui dans le service d'Autriche, il accepterait le grade militaire de général d'infanterie; mais qu'aussitôt que son évasion avait été éventée et qu'il s'était réconcilié avec son père, il avait averti la princesse de Rothenburg qu'il n'y avait plus rien à faire pour lui dans le service d'Autriche et qu'il était fermement résolu, depuis la réconciliation, de n'entrer jamais dans aucun service étranger [sans le consentement de son père]; que c'était la pure vérité de tout ce qui s'était passé à cet égard, et qu'il sentait bien que c'était une nouvelle intrigue et tracasserie de la cour de Vienne, qui remuait tout pour l'empêcher d'entrer dans d'autre service que le sien.

Il m'est aussi revenu d'ailleurs que, le susdit capitaine Rall s'étant fait annoncer au Prince pour lui remettre un gros paquet de lettres du général Pretlack, le Prince avait répondu qu'il ne pouvait le voir, ni accepter des lettres de lui, et qu'il ne ferait jamais aucune démarche sans le consentement de son père; de sorte que ce capitaine s'était vu obligé de retourner, sans avoir pu s'acquitter de la commission dont il avait été chargé. Voilà tout ce qui s'est passé jusqu'ici dans cette affaire, dont vous ne laisserez pas d'informer les ministres anglais.

Vous leur direz d'ailleurs de ma part que, quoiqu'il avait paru que la négociation de la cour de Vienne avec celle de France était suspendue depuis quelque temps, vu que les conférences du comte de Starhemberg avaient été beaucoup moins fréquentes que ci-devant, je venais cependant d'apprendre de très bonne main310-2 que ce n'était que parceque le ministère de France avait différé de s'expliquer définitivement sur les propositions de la cour de Vienne, sous prétexte qu'on ne saurait rien conclure, avant que d'avoir concerté avec l'Espagne les branches de cette négociation, surtout celles qui étaient relatives au troc des possessions des infants en Italie310-3 contre celles de l'Autriche en Flandre, et de Luxembourg, et qu'on n'y saurait faire aucunes démarches, avant que l'abbé de Bernis, ministre destiné à la cour de Madrid,310-4 ne soit arrivé en Espagne. L'on m'ajoute que la cour de France ne demandait ce délai que dans la vue de ne point prendre d'engagement pour la neutralité des Pays-Bas, avant que d'être assurée du succès de l'entreprise de Port-Mahon310-5 et éclaircie sur l'impression que cette opération pourrait faire sur la nation anglaise par rapport à la poursuite de la guerre. Ce que le comte de Starhemberg ayant approfondi et voulant d'ailleurs profiter des dispositions favorables de la cour de Versailles à l'égard de celle de Vienne, il pressait extrêmement à présent<311> sur la garantie des Pays-Bas par un traité de neutralité et de la régler par une simple convention, dans laquelle on laisserait les autres objets de cette négociation entièrement à l'écart et stipulerait d'en faire par la suite la matière d'un traité séparé; enfin que, pour mettre le ministère de France au pied du mur là-dessus et écarter tout obstacle, il offrait de la part de sa cour de laisser même l'élection d'un roi des Romains à l'écart et de ne toucher à aucun autre objet dans cette convention que celui mentionné dessus.

Vous finirez par informer les ministres anglais qu'en conséquence de mes nouvelles de Suède,311-1 il n'y avait rien de conclu encore entre la Suède et le Danemark, par rapport au concert à joindre leurs flottes respectives,311-2 pour protéger leur commerce et faire respecter leurs pavillons contre les insultes des vaisseaux étrangers, et que cette négociation n'était pas encore si avancée qu'on paraissait la regarder, vu qu'il y avait des anicroches par lesquelles elle devait être arrêtée, au point même d'échouer; enfin qu'on regardait cette union comme une chose qui devait se faire ou en peu ou jamais, aussi un des articles qui pourra faire un empêchement à la conclusion, regardait le commandement des deux escadres combinées, que le Danemark prétendait, parcequ'il y était le plus fort en nombre des vaisseaux pour cette expédition.

Vous ne manquerez pas de communiquer tout ceci confidemment aux ministres anglais et de me faire un rapport exact de ce qu'ils vous auront dit sur les différents sujets mentionnés.

Federic.

Nach dem Concept.



309-2 Ministerialerlass an Michell, Berlin 27. April.

309-3 Das Folgende auf Grund des Schreibens des Landgrafen, Cassel 24. April. Vergl. Nr. 7465.

310-1 Vergl. S. 303. 307.

310-2 Bericht Knyphausen's, Paris 23. April. Vergl. Nr. 7475.

310-3 Vergl. S. 224.

310-4 Vergl. Bd. XI, 315. 410.

310-5 Vergl. S. 285.

311-1 Bericht des Grafen Solms, Stockholm 16. April.

311-2 Vergl. S. 239.