7545. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

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Knyphausen berichtet, Paris 24. Mai: „Les négociations qu'on avait entamées avec le roi de Sardaigne et le duc de Modène, sont … suspendues, et, de toutes les cours ultramontaines, celle de Gênes est la seule avec laquelle on continue de négocier avec vivacité,380-2 vu le concert qu'on est obligé de prendre avec cette république pour la conservation de la Corse, dont la neutralité influe particulièrement sur toutes les opérations que la France pourrait former dans la Méditerranée. La neutralité de l'Allemagne que cette cour-ci ne désire nullement d'enfreindre, au moins jusqu'à présent, est cause aussi qu'elle néglige totalement les affaires de l'Empire, et qu'elle ne cherche plus à y fortifier son parti#133; Les principaux objets dont cette cour-ci paraît s'occuper maintenant en matière de négociation, sont donc celles qu'elle a entamées avec les cours de Vienne et d'Espagne,380-3 et surtout avec la dernière … M. Rouillé m'a répété encore qu'il désirait fort que les différends [entre le roi et le Sénat de Suède] puissent être pacifiés par l'entremise de sa cour, et qu'elle se concerterait avec bien de l'empressement avec Votre Majesté sur les mesures qu'il serait à propos de prendre à ce sujet,380-4 pourvu qu'elle fût assurée que sa médiation ne serait point désagréable au Sénat et aux États de Suède.“ 380-5

Potsdam, 5 juin 1756.

Votre dépêche du 24 de [mai] m'a été bien rendue, dont j'ai été extrêmement satisfait par les soins que vous avez mis de la rendre bien intéressante et pour m'éclaircir sur des affaires qui me sont de la dernière conséquence.

Comme j'y ai appris que le ministère de France continue toujours à désirer la paix avec le même empressement, malgré les succès que la France peut avoir eus jusqu'à présent, j'en ai pris l'occasion de faire encore le dernier effort auprès de la cour de Londres,380-6 en lui insinuant qu'il ne fallait point laisser s'en aller ce moment favorable pour voir s'il n'y avait pas moyen de parvenir à un accommodement raisonnable et honorable aux deux parties belligérantes, afin de prévenir les horreurs de la guerre. Mais, avec cela, je ne saurais vous dissimuler que je suis fort en peine de la réussite des efforts que j'applique sur ceci, ce qui cependant ne me rebutera pas de tenter tout ce qui sera humainement possible, pour voir s'il y aura moyen de réconcilier dans le moment présent encore les différends entre les deux puissances; car

 

à moins que cela ne se fasse d'abord et dans le courant de l'année présente, il ne faut presque plus douter que le feu de la guerre ne s'étende extrêmement et qu'elle ne soit des plus compliquées qu'on en a jamais eue.

Que la cour de France néglige présentement, comme vous dites, les affaires de l'Italie et celles de l'Allemagne, il ne faut pas en être étonné; dans la conjoncture présente, il n'en est pas trop question, et la France n'a pas nécessaire de s'y donner beaucoup de mouvements.

Mais ce que je ne puis pas bien comprendre, c'est que la France fait chipoter à présent à Pétersbourg, et à quelles vues elle le fait; car je ne saurais nullement me persuader que sa politique serait aussi faible et mauvaise qu'elle voudra aussi aveuglément complaire à la cour de Vienne que d'entrer dans tous les desseins de celle-ci et d'élever par là la nouvelle maison d'Autriche à une telle grandeur qui deviendrait redoutable à la France même, sans qu'elle saurait jamais l'en faire revenir. A quel sujet, je veux bien vous communiquer ce qu'on m'en écrit de Stockholm,381-1 savoir que l'arrivée d'un émissaire de la France, le sieur de Douglas, à Pétersbourg faisait actuellement en Suède le sujet de bien des réflexions; qu'on le regardait comme celui qui dût préparer une grande négociation pour la conclusion d'une alliance entre les cours de Paris et de Pétersbourg et de Vienne, négociation que le marquis d'Havrincour finirait après cela, qui, selon des lettres qui étaient entrées à Stockholm, devait, au cas que l'émissaire français réussît, aller avec le caractère d'ambassadeur en Russie. Quoique je doute fort de la réalité de cet article, quant à la conclusion de l'alliance mentionnée, vous devez cependant faire au mieux pour vous orienter sous main sur ce qui peut être l'objet de l'envoi du susdit sieur de Douglas à Pétersbourg; vous observerez bien cependant que, pourvu qu'il courait de pareils bruits là où vous êtes ou qu'on vous parlât d'une alliance à faire entre les cours de France, de Russie et de Vienne, vous ne devez point marquer des inquiétudes là-dessus, mais faire semblant plutôt comme si tout cela vous était une chose bien indifférente.

Du reste, mandez-moi exactement et de manière que j'y puisse compter, si le ministère de France commence de revenir des préjugés qu'il s'était formés sur ma convention de neutralité faite avec l'Angleterre, et du mécontentement qu'il en avait conçu,381-2 ou s'il en garde encore quelque amertume dans le cœur; tâchez de bien pénétrer ceci et m'en rendez compte fidèlement.

Pour ce qui regarde ce que M. de Rouillé vous a répété du désir sincère qu'il avait que les troubles qui se sont élevés entre le roi et le Sénat de Suède, [puissent être pacifiés], vous lui direz que je m'entendrais très volontiers avec la France pour une médiation à concilier les différends entre le Roi et le Sénat selon la teneur de la forme du gou<382>vernement de la Suède et les lois du pays; vous représenterez au susdit ministre qu'il serait toujours d'une dangereuse conséquence, si le Sénat, ayant actuellement à la Diète présente la prépondérance, changeait effectivement la forme établie du gouvernement dans plusieurs articles, pour diminuer et restreindre l'autorité et le pouvoir du Roi; qu'il pourrait arriver un temps où cet exemple serait pernicieux même pour le parti du Sénat, quand, à une autre Diète, les États pencheraient plus pour le Roi pour lui attribuer plus d'autorité et de l'influence dans les affaires, qui alors serait également en droit de changer, par des explications, la forme du gouvernement en faveur du Roi contre le sens propre de ladite forme. J'attendrai votre rapport si vous croyez que la France se mêlera tout de bon de la médiation pour accommoder ces différends, et comment le sieur de Rouillé pense d'en faire la proposition au Sénat, et sur quel pied on voudrait faire cette réconciliation.

Au reste, mon intention est que vous suiviez la cour, quand elle ira faire son séjour à Compiègne.

Federic.

Nach dem Concept.



380-2 Vergl. Bd. XI, 134.

380-3 Vergl. S. 361.

380-4 Vergl. S. 315. 316.

380-5 Vergl. für den weiteren Inhalt dieses Berichts S. 376.

380-6 Vergl. Nr. 7537.

381-1 Bericht des Grafen Solms, Stockholm 21. Mai. Vergl. S. 372.

381-2 Vergl. S. 114. 160.