7621. AN DEN ETATSMINISTER GRAF FINCKENSTEIN IN BERLIN.

Potsdam, 28. Juni 1756.

Auf Sr. Königl. Majestät allergnädigsten Befehl soll Ew. Excellenz ich sogleich anliegendes Mémoire raisonné von Höchstderoselben zu<472>senden und zugleich dabei melden, wie Ew. Excellenz selbiges dem Herrn Mitchell zustellen möchten, damit er solches zur weiteren Considération an seinen Hof sendete, nicht zweifelnd, es werde derselbe seinen guten Gebrauch davon machen, zugleich aber auch das gehörige Ménagement dabei beobachten. Welches mir befohlene dann hierdurch schuldigst ausrichte und nur vor mein Particulier gehorsamst anfüge, dass falls Ew. Excellenz eine Abschrift von erwähntem Mémoire verlangen, ich solche durch eine zuverlässige Hand fertigen und solche Ew. Excellenz zu übersenden die Ehre haben werde.

Eichel.

Nach der Ausfertigung.

Mémoire raisonné sur la situation présente de l'Allemagne.

Le traité de neutralité signé entre la Prusse et l'Angleterre est l'époque du revirement du système qui s'est fait en Europe. Les événements que l'on prévoit, ne sont que des suites des impressions différentes que ce traité a faites sur les différentes cours. On comptait en France qu'il suffisait d'ordres émanés de Versailles pour que la Prusse en suivît aveuglément les impulsions, et le ministère trouva cette puissance très coupable de n'avoir pas — selon qu'elle en était sollicitée par la France — porté incontinent le feu et le fer dans l'électorat d'Hanovre;472-1 on ne put jamais faire comprendre à M. Rouillé que l'alliance des deux puissances était prête à expirer, que dans le traité même la cause de la présente guerre était exceptée en termes exprès du casus foederis, et que, quoi que l'on fît, il était impossible de trouver dans ce traité une syllabe qui dénotât une alliance offensive, qu'ainsi la convention de neutralité dont la France paraissait si fort offensée, n'était qu'un moyen de plus pour préserver l'Europe d'une guerre où, dans le fond, il n'y avait d'intéressés que les Français et les Anglais dans leurs possessions d'Amérique. Dans les premiers moments d'emportement, les ministres de Versailles se lâchèrent assez pour laisser entrevoir qu'ils se croyaient en droit de ressentir la prétendue désobéissance qu'on avait eue pour leurs ordres; ensuite, pour en imposer, ils se radoucirent; mais leur vivacité les avait trop trahis dans les premiers moments de leur emportement.

La cour de Vienne avait eu quelque connaissance de la négociation qui était entre la Prusse et l'Angleterre; elle se vit avec dépit frustrée de son espérance; elle avait compté que la Prusse attaquerait sûrement l'électorat d'Hanovre et qu'alors, avec le secours de la Russie, elle pourrait recouvrer la Silésie. Ce coup lui ayant manqué, et se trouvant dirigée par le comte Kaunitz — qui, depuis qu'il avait été ambassadeur à Paris, avait formé le dessein de réunir l'Autriche et la France472-2 — le comte Kaunitz, dis-je, qui avait préparé de loin, par toutes sortes de<473> flatterie, l'esprit de la marquise de Pompadour à recevoir favorablement les idées de cette liaison, travailla alors pour en accélérer l'exécution. Mais, comme il ne lui suffisait pas de conclure cette alliance et qu'il formait des desseins plus vastes, il voulut commencer par s'assurer de la Russie, croyant qu'au cas qu'il parvînt à former cette triple alliance, il donnerait à sa maîtresse une prépondérance décisive dans les affaires de l'Europe. On gagna Schuwalow et l'on promit à Woronzow d'appuyer son crédit et de l'élever à la première place, et dès que le succès répondit aux espérances du comte Kaunitz, il conclut son traité à Versailles et donna au sieur Keith cette réponse si peu satisfaisante et si longtemps attendue.473-1

Cet heureux début enfla le courage de la cour de Vienne, elle voulut profiter de sa situation avantageuse, elle regarda ses nouvelles liaisons comme le triumvirat d'Auguste, d'Antoine et de Lépide.473-2 Pour imiter ces triumvirs, on proscrivit et se sacrifia mutuellement des têtes couronnées de l'Europe. L'Impératrice abandonna l'Angleterre et la Hollande au ressentiment de la France, et la cour de Versailles sacrifia la Prusse à l'ambition de l'Impératrice, celle-ci se proposant d'imiter la conduite d'Auguste, qui se servit du pouvoir de ses collègues pour s'agrandir et les précipiter ensuite l'un après l'autre.

La cour de Vienne a trois desseins où la mènent également ses démarches présentes : établir son despotisme dans l'Empire, ruiner le parti des Protestants, et reconquérir la Silésie. Elle regarde le roi de Prusse comme le plus grand obstacle à ses vastes desseins, et elle croit que, si le bonheur la favorise en abattant celui-là, le reste de son projet s'exécutera de lui-même. Nous avons vu récemment, par ses dernières démarches à la cour de Cassel473-3 et par la façon dont elle traite les Protestants de ses États, tant en Hongrie qu'en Styrie, que le projet qu'on lui attribue, n'est que trop réel.

Si l'on en doit croire de bons avis, la reine de Hongrie requerra le secours de 24,000 hommes stipulé dans son traité de Versailles, dès qu'elle aura engagé la guerre avec la Prusse, et l'on assure qu'elle vera de sang-froid ce secours entrer — s'il peut — dans l'électorat d'Hanovre pour le dévaster. Un reste de retenue empêche cette Princesse de coopérer à la ruine de son bienfaiteur, d'un prince qui l'a sauvée lorsqu'elle était sans ressource, et qui a sacrifié pour elle argent, troupes et même ses propres intérêts. La reine de Hongrie se croit quitte envers le roi d'Angleterre en ne l'exposant qu'aux Français et en n'y joignant pas ses propres troupes; elle473-4 se contente d'occuper le roi de<474> Prusse — seul allié qui reste au roi d'Angleterre — pour que le dernier se trouve absolument privé de toute assistance. A toutes ces vues d'ambition la cour de Vienne y joint encore celle de faire l'archiduc Joseph roi des Romains.

La Russie, à l'enchère du plus offrant, et secouée par les partis intérieurs, suivra, selon toutes les apparences, les avis de la cour de Vienne. Il y a toute apparence que la France se chargera de lui payer les subsides qu'elle tirait jusqu'à présent de l'Angleterre.

Tel est au vrai la situation présente de l'Europe. L'équilibre est perdu, aussi bien entre les grandes puissances que dans l'Empire Romain. Le mal est grand, mais on ne le croit pas sans remède, et l'on prie le roi d'Angleterre de faire de sérieuses réflexions aux moyens qu'on croit être les plus propres pour établir une nouvelle balance tant en Allemagne qu'en Europe.

On croit que, si l'on pouvait parvenir à une liaison étroite avec la cour ottomane, que cette union en imprimerait puissamment aux cours de Vienne et de Pétersbourg. On doit s'attendre à ce que les trois cours alliées emploieront toute leur adresse pour traverser cette négociation; mais ce ne sont pas les obstacles qui doivent rebuter, et il est certain que ce sont les intérêts de la Porte de former des contre-ligues à celles des deux cours impériales, dont l'harmonie ne peut que lui devenir un jour funeste.

On croit qu'il ne serait pas impossible de faire une alliance avec le roi de Danemark, surtout pour le soutien du parti protestant d'Allemagne.474-1 Il semble apparent que la Hollande, si elle consulte ses véritables intérêts, doit, dans la conjoncture critique, où elle se trouve, s'empresser d'accéder à la même alliance; et, pour le Saint-Empire Romain, il paraît que, si le roi d'Angleterre le veut, il pourra facilement y former un parti et barrer les desseins ambitieux de la cour de Vienne, en stipulant dans tous ses traités que ces princes se concerteront avec le roi d'Angleterre pour tout ce qui pourra avoir rapport à la Diète et aux affaires de l'Empire.

S'il faut indiquer les princes d'Allemagne que l'on croit les plus propres d'entrer dans cette alliance, on pense que ce pourrait être<475> l'électeur de Cologne, le duc de Brunswick, le landgrave de Hesse, le duc de Gotha, le prince d'Anspach, le duc de Mecklembourg etc.

L'Allemagne est menacée de grandes calamités. La Prusse se voit au moment de voir éclater la guerre, mais toutes ces fâcheuses circonstances ne la découragent pas; trois choses peuvent rétablir la balance de l'Europe: l'étroite et intime liaison des deux cours, des soins laborieux pour former de nouvelles alliances et pour traverser les desseins des puissances ennemies, et l'audace d'affronter les plus grands périls.

Nach dem eigenhändigen Concept. Uebereinstimmend mit der an Mitchell ühergebenen Ausfertigung im British Museum zu London.




472-1 Vergl. Bd. XI, 143. 148. 455.

472-2 Vergl. S. 179.

473-1 Vergl. S. 362.

473-2 Vergl. S. 465.

473-3 Vergl. S. 467.

473-4 In einem ersten eigenhändigen Entwurf lautet der Schluss des Mémoire's: „Et elle se contente de donner tant d'occupation au roi de Prusse — seul allié qui reste à l'Angleterre pour le mettre hors d'état de secourir ce Prince. Outre ces desseins que l'on connaît à la cour de Vienne, elle a encore celui de faire l'archiduc Joseph roi des Romains. Dans cette étrange position de l'Europe où l'équilibre des pouvoirs est perdu et où le revirement de système a si fort bouleversé les choses qu'il semble que les cervelles aient tourné dans la plupart des cabinets, il ne faut désespérer de rien et opposer le courage, le travail et l'union la plus intime de la Prusse et de l'Angleterre à l'orage qui s'élève. On prie le roi d'Angleterre de penser à la sûreté de ses États, à présent qu'il en est encore temps; on croit qu'il ne serait pas impossible de s'attacher le Danemark; on sera bien aise de s'entendre avec la république de Hollande, selon que le roi d'Angleterre jugera la chose faisable; on croit que l'Angleterre pourrait s'attacher l'électeur de Cologne et le duc de Brunswick. L'Allemagne est menacée de grandes calamités, la Prusse se prépare à résister à ses ennemis, elle espère même de les faire repentir de leurs mauvais desseins, et, en s'unissant plus que jamais ensemble, l'Angleterre et la Prusse doivent se flatter qu'elles maintiendront les libertés germaniques, la cause protestante, et que peut-être elles rendront le bon sens aux cervelles qui l'ont perdu.“

474-1 Vergl. S. 410. 429.