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8 août 1756.1

Ayant eu un mémoire à présenter à M. Rouillé le lendemain de la réception des ordres de Votre Majesté2 pour une affaire particulière, et la conversation étant tombée sur les affaires générales, je me suis servi de cette occasion pour lui faire observer sans affectation les suites dangereuses qui pourraient résulter de la confiance aveugle qu'on avait ici dans la cour de Vienne, cette dernière n'ayant d'autre but que de vouloir profiter du refroidissement apparent qui règne entre Votre Majesté et la France, pour exécuter des projets qu'elle avait formés depuis longtemps contre le repos de l'Europe. Sur quoi, M. Rouillé, après m'avoir assuré en termes extrêmement modérés que sa cour avait à la vérité à se plaindre grièvement du peu d'égard et de confiance que Votre Majesté lui avait témoigné dans la crise présente des affaires, mais que ce sentiment ne s'étendait pas plus loin, est entré avec moi en explication sur les différentes insinuations que je lui avais faites, et s'est ouvert sur les objets suivants, que je rapporterai dans l'ordre où ils se présenteront à ma mémoire,

1° Que Votre Majesté pouvait être persuadée que sa cour n'avait contre Elle nulles vues offensives et qu'en faisant le traité qu'elle avait conclu avec la cour de Vienne, elle s'était uniquement proposé de restreindre la guerre à l'Angleterre et d'empêcher qu'elle n'embrasât les autres parties de l'Europe; qu'il pouvait m'assurer que ce traité ne renfermait nuls autres articles que ceux qu'on avait publiés, mais qu'il ne répondait point que, par la suite, on n'y ajoutât d'autres stipulations; qu'il n'ignorait point que la malignité des ennemis de la France avait eu recours à toutes sortes de moyens pour alarmer Votre Majesté sur les desseins de sa cour et pour les Lui présenter sous les points de vue les plus odieux …: que les uns avaient répandu que la France travaillait à exciter les princes catholiques contre les princes protestants de l'Empire, afin d'allumer par ce moyen une guerre intestine dans le cœur de l'Allemagne et de se ménager un prétexte pour pouvoir y introduire des troupes à l'ombre du traité de Westphalie;3 que d'autres avaient encore porté la fausseté à de plus grands excès, en assurant que la France formait des magasins en différentes contrées de l'Allemagne pour la subsistance des armées qu'elle se proposait d'y envoyer; qu'il pouvait m'assurer en honneur que toutes ces suppositions étaient également fausses et destituées de tout fondement.

2° Que, pour ce qui concernait l'ombrage que Votre Majesté paraissait prendre des démarches que la France avait faites auprès de la cour de Pétersbourg,4 il pouvait me certifier qu'il y avait plus de 18 mois qu'elles avaient été commencées, et que le but en était uniquement de rétablir la bonne intelligence entre les deux cours, afin d'ôter, s'il était possible, cet allié à l'Angleterre; maïs que cette négociation n'avait nul rapport à Votre Majesté et ne La concernait en aucune manière.

3° Qu'il ne saurait me cacher que la cour de Vienne prétendait que c'était Votre Majesté qui avait commencé la première à faire des mouvements de troupes sur les frontières de l'Impératrice, et que les camps qu'on formait actuellement, avaient été occasionés par là. M. Rouillé me parla à cette occasion du premier mémoire que Votre Majesté a fait présenter à la cour de Vienne;5 mais il n'entra point en matière à ce sujet et me dit simplement qu'il lui avait été envoyé par le marquis de Valory. Il me parut même n'avoir pas connaissance du second6 et évita de s'expliquer sur les assurances que je lui dis, qu'il me semblait que Votre Majesté était en droit d'exiger de la cour de Vienne, et, lui ayant insinué que je croyais que la France ferait bien de s'employer pour détruire par son entremise les soupçons qui pouvaient s'être élevés de part et d'autre, il me répondit sur cette ouverture comme quelqu'un qui en regardait l'exécution comme impraticable. Il finit, enfin, par me dire:



1 Nach dem Immediatberichte Knyphausen's, Compiègne 8. August. Vergl. Nr. 7884.

2 Immediaterlass an Knyphausen, d. d. Potsdam 26. Juli, Nr. 7760.

3 Vergl. Nr. 7763.

4 Vergl. Bd. XII, 513.

5 Nr. 7722.

6 Nr. 7795.