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Broglie, n'est qu'un prétexte qu'on a saisi avec avidité, afin d'exécuter le projet de rappeler le marquis de Valory, qu'on a formé depuis l'entrée de Votre Majesté en Saxe, et sur lequel Madame la Dauphine a insisté sans cesse et avec la plus grande vivacité. Il est certain aussi que le Roi aurait eu beaucoup de répugnance à prendre cette résolution et qu'il ne s'y serait peut-être jamais déterminé, s'il n'eût eu le cœur ulcéré par le mauvais succès de l'ambassade de M. de Nivemois et par différentes autres causes dont j'ai eu l'honneur de rendre compte à Votre Majesté par mes lettres immédiates.1 Enfin, j'observerai encore que Madame de Pompadour, l'abbé de Bernis et tous les promoteurs du nouveau système qu'on a adopté ici, ont fait les plus grands efforts pour pousser le Roi à une démarche qui, en élevant entre lui et Votre Majesté une espèce de mur de séparation, contribuât à consolider ce même système et à en assurer la durée.“

afin qu'elle puisse d autant mieux débiter ses mensonges et ses calomnies, sans qu'il y ait quelqu'un qui puisse désabuser ceux à qui elle en impose; ainsi la grande prévention et l'aveuglement où la cour de Versailles a donné pour elle, m'ont fait conjecturer qu'on ne vous ménagerait pas.

Comme donc la chose est arrivée tellement que je l'avais prévue, il ne vous reste que de quitter Paris, dès que vous aurez arrangé vos affaires, sans prendre audience de congé, et de partir de la France. Vous prendrez votre route sur Metz et de là par Francfort-sur-le-Main, d'où vous irez tout droit à Berlin, pour y recevoir mes ordres ultérieurs.

Quant au sieur Junod, je lui accorde la permission d'aller faire un tour à Neuchâtel pour y vaquer à ses affaires.

Vous profiterez de l'offre obligeante du ministre de la cour de Danemark,2 pour mettre en dépôt auprès de lui les papiers de l'ambassade bien emballés et scellés de votre cachet.

J'espère que vous n'oublierez pas de vous ménager, avant que de partir, un habile et adroit émissaire, auquel je payerai telle pension que vous en serez convenu avec lui, qui continuera de nous donner des nouvelles sûres de ce qui se passe à la cour des affaires d'importance, et au moyen duquel nous saurions conserver une certaine connexion en France. Vous lui donnerez un bon chiffre pour cette correspondance, qui pourra passer le mieux, à ce que je crois, par les paquets du ministre de la république de Hollande.3

Avant que vous partiez, vous aurez soin de vous informer soigneusement encore de tout ce que vous sauriez apprendre, et dès que vous serez arrivé à Berlin, vous me ferez un rapport circonstancié de ce que nous avons à espérer de ces gens, et quelles mesures plus mauvaises encore ils sauront prendre à mon égard au delà de celles qu'ils ont effectivement prises; enfin vous tâcherez de me rendre ce rapport aussi intéressant et instructif qu'il vous le sera possible.

Federic.



1 Vergl. S. 61. 496.

2 Graf Wedell-Friis.

3 Lestevenon van Berkenrode.