8266. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Sedlitz, 30 octobre 1756.

Mon cher Comte de Podewils. Le baron de Knyphausen m'ayant marqué par sa dépêche du 21 de ce mois583-1 la démarche à laquelle la cour de France s'est laissé porter, en ordonnant au marquis de Valory de se retirer de Berlin sans audience de congé, je n'ai pu me dispenser de suivre son exemple à l'égard dudit baron de Knyphausen.

Vous direz, en attendant, au marquis de Valory de ma part dans les termes les plus affectueux que, combien que je regrettasse son départ et fusse fâché de ce que sa cour s'était laissé inspirer des idées bien différentes à mon égard de celles qu'elle avait eues autrefois, je n'étais pas hors de toute espérance qu'elle en retournerait et reviendrait aux anciennes idées. Que certainement je n'en imputais à lui, marquis de Valory, la moindre chose; que sa droiture et sa juste façon de penser m'en étaient de sûrs garants,583-2 et que j'étais persuadé que ses propres sentiments avaient dans le dernier temps souvent différé de ce que ses ordres l'avaient obligé de déclarer, mais que le temps justifierait la sincérité de mes procédés envers la France. Que je ne croyais pas me tromper dans la conjecture que je faisais sur la façon de juger de la conduite que le comte Broglie583-3 avait tenue, qui dans cette circonstance avait été extravagante vis-à-vis de moi. Que, cependant, je ne saurais le laisser partir, sans le prier de faire, à son retour en France, mes compliments au maréchal de Belle-Isle583-4 et de l'assurer de mon amitié et de ma considération invariable. Que lui, marquis de Valory, serait également persuadé de mon estime et de mon amitié personnelle que rien n'effacerait. Qu'au surplus, l'événement fâcheux qui venait de m'arriver avec sa cour, ne m'avait nullement surpris; que je m'y étais attendu après sa prédilection pour celle de Vienne. Que je connaissais la façon d'agir de celle-ci, qui, ne sachant voir d'un œil tranquille qu'un ministre d'une cour soit présent pour désa<584>buser celle à qui elle voudrait inspirer des sentiments de haine et de jalousie par des calomnies les plus noires, fait jouer tous les ressorts pour en être quitte. Que ce qui était arrivé autrefois avec mes ministres à Pétersbourg,584-1 en était une preuve parlante, qui à peine s'en furent retournés qu'on avait controuvé mille calomnies et mensonges pour me brouiller sans retour avec la cour de Russie.

Que j'en avertissais lui, M. de Valory, que la même chose arriverait en France et que, dès qu'il n'y aurait plus personne à sa cour pour l'en désabuser, les Autrichiens avec leur clique ne manqueraient pas de débiter effrontément mille mensonges et calomnies sur mon sujet, comme aussi de m'imputer toutes sortes de complots et de desseins controuvés que j'aurais conçus contre la France, afin de nous rendre ennemis irréconciliables. Que je le priais de s'en souvenir, quand cela arriverait, mais que je le priais également de n'y vouloir jamais ajouter aucune foi, et de vouloir apprécier plutôt toutes ces choses controuvées à leur juste valeur, en quoi il me rendrait toujours justice. Sur ce, je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.



583-1 Vergl. Nr. 6285.

583-2 Vergl. S. 138.

583-3 Vergl. S. 506. 545.

583-4 Vergl. S. 62; Bd. XII, 119. 424. 426.

584-1 Vergl. Bd. V, 582; VIII, 164—166. 168.