8354. PROJET DE CAMPAGNE POUR L'ARMÉE DES ALLIÉS.63-2

Selon les dernières nouvelles que l'on a de Paris,63-3 les Français se proposent d'entrer en campagne dès le mois de mars et de commencer leurs opérations par le siège de Wésel, pour entrer ensuite en Westphalie et envahir l'électorat d'Hanovre. On sait qu'ils se glorifient de ce que le roi de Prusse ne pénètre point leur dessein sur Wésel, et qu'il ne prend aucunes mesures pour mettre cette place hors d'insulte.

C'est sur ces connaissances que l'on croit devoir asseoir le projet de campagne qu'il convient de former pour l'année prochaine. L'on soumet le tout aux lumières supérieures de Sa Majesté Britannique, qui, par une longue expérience et par la connaissance des lieux, est capable plus que personne de rédiger le projet qu'on lui envoie selon son bon plaisir.

Comme, selon toutes les notions que l'on a jusqu'à présent des ennemis, il paraît que la France destine 50,000 hommes à la conquête des pays de Clèves et d'Hanovre, il est premièrement à propos de calculer les forces qu'on lui peut opposer. Le roi d'Angleterre, en fai<64>sant repasser les Hanovriens et les Hessois,64-1 pourrait rassembler de ces deux corps une armée de 35,000 hommes. Le duc de Brunswick peut en fournir 5,000, le duc de Gotha 4,000. Assurément, si l'on veut s'y prendre dès à présent et conclure avec eux le marché sans perte de temps, on aurait avec eux 44,000 hommes. Si les Français ne marchent pas en Bohême et que surtout les Russes n'entrent pas en jeu, le roi de Prusse peut joindre 8 à 10,000 hommes de ses troupes à ce corps,64-2 qui ferait ensemble une armée de 54,000 hommes, nombre süffisant pour résister aux Français.

Voici pour la formation de l'armée; quant à ses opérations, il est nécessaire, avant d'en parler, d'entrer dans quelques détails préalables.

Il faut premièrement examiner ce que les Français peuvent faire pour mettre leur dessein en exécution. Selon toutes les apparences, leur armée s'assemblera dans les trois évêchés, ou bien du côté de Visé. S'ils s'assemblent à Metz, ils ont 40 milles d'Allemagne de là à Wésel, qu'ils ne peuvent faire qu'en 17 jours de marche. S'ils s'assemblent à Visé, ils ont à peu près 30 milles d'Allemagne à faire, ce qui est l'affaire de 13 à 14 jours.

Dès qu'ils auront résolu cette expédition, ils n'ont que trois endroits propres pour former leurs magasins : Rœremonde, Kaiserswerth ou Neuss. Il est à croire qu'ils se détermineront plutôt pour les deux premiers, tant pour leur situation que parceque ces villes sont entourées de quelques ouvrages fortifiés, et que, par le moyen de la Meuse et du Rhin, ils peuvent transporter leurs munitions jusqu'auprès de Wésel.

Wésel64-3 est bien fortifié, mais les64-4 ouvrages sont à proportion de la ville dont ils composent l'enceinte, comme un large et vaste habit sur le corps d'un homme fluet et décharné. La ville est petite, elle ne peut contenir que les six bataillons qui lui servent de garnison, et qui ne font que 4,200 hommes. Les ouvrages ne sont point minés, et quoiqu'elle ne manque ni de munitions de guerre, ni de canons pour sa défense, elle ne soutiendrait pas longtemps un siège de la façon qu'on les fait aujourd'hui, surtout depuis que ce ne sont plus les ouvrages, mais les mines qui défendent les places. Si donc les Français arrivaient vers le 15 ou le 20 de mars à Wésel, il faudrait s'attendre64-5 à prise de ville vers la fin du mois. La conquête de cette place serait très avantageuse aux Français, parcequ'elle assurerait leurs derrières, qu'elle leur fournirait un passage sur le Rhin, un magasin pour leur armée et un entrepôt sûr qui assurerait toutes les opérations64-6 qu'ils pourraient entreprendre64-7 sur la Westphalie et sur le pays d'Hanovre.

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Examinons à présent ce qu'il convient de faire pour s'opposer aux projets que les Français forment.

Comme les Français croient que l'on ignore leur dessein sur Wésel, il semble que ce soit le jeu des alliés d'affecter la plus grande ignorance sur cette expédition et de colorer toutes les démarches qu'il convient de prendre pour s'y opposer, sous différents prétextes plausibles et capables de leur faire croire que l'on ignore leurs desseins.

Il semble que l'endroit le plus convenable pour l'assemblée de l'armée alliée serait à Hameln. On pourrait faire courir le bruit facilement que c'est à intention de couvrir la Wéser et la faire cantonner de ces côtés. De là elle aurait environ 24 milles d'Allemagne à faire65-1 pour gagner les bords du Rhin. Mais avant de la faire marcher, ce serait un préalable d'établir des magasins de farine et de fourrages vers les lieux où elle doit séjourner. L'on croit que les endroits les plus convenables seraient Wésel pour le fourrage et la farine, à Dortmund et à Hameln pour de simples dépôts de farine.65-2 Ces mesures doivent être prises dès le moment présent, ou il n'en sera plus temps; et en payant même le double en argent, il sera difficile de rassembler la quantité de vivres dont on aura besoin, si l'on ne s'y prend pas de bonne heure.65-3

Quant à la véritable opération de l'armée, l'on croit que, dès que l'on saura l'endroit que les Français ont déterminé pour l'assemblée de leur armée, et le jour fixé pour leur départ, sur ces avis le général qui commandera l'armée des alliés, pourra se mettre en marche, pour gagner les bords du Rhin quelques jours avant l'armée française. Il65-4 pourra continuer à cantonner jusqu'à Lippstadt, où il paraît à propos qu'il campe en rang de bandière. De là il doit diriger sa marche sur celle des Français, à savoir, s'ils viennent de Metz, il doit se porter sur Angerort dans le pays de Cologne, où il lui convient de choisir un camp d'une assiette forte. Si, au contraire, les Français partent de Visé, l'armée alliée fera mieux de se camper entre Rheinberg et Dinslaken, de ce côté-ci du Rhin.

Ces deux camps peuvent avec la même commodité tirer leurs vivres de Wésel sur le Rhin. L'on ne propose point de passer ce fleuve, à cause que ce serait trop risquer, à moins que les Hollandais ne se déclarassent, auquel cas il y aurait d'autres projets à faire; mais tant que l'on n'est pas assuré de leur secours, il paraît que ce serait trop hasarder que de passer le Rhin, d'autant plus que les frontières françaises en sont encore très éloignées.

Les positions de l'armée que l'on propose, couvrent certainement la ville de Wésel, et supposé que les Français passassent le Rhin à Düsseldorf ou ailleurs, il n'est pas apparent qu'ils prêtassent le flanc à<66> l'armée alliée pour s'enfoncer en Westphalie. Il faudrait, en ce cas, que l'armée alliée se campât, la droite à Wésel, la Lippe devant elle. Si les Français se trouvaient assez mal avisés que de vouloir pénétrer en Westphalie, on les prendrait à dos et certainement pas un n'en ressortirait.

Cette guerre ne doit être que défensive de la part des alliés. Ce serait trop risquer que de hasarder une bataille. Si elle était perdue, les possessions du roi d'Angleterre et de Prusse courraient un trop grand risque, et par la défensive que l'on propose, on ruine les projets de nos ennemis, on leur rend leur campagne inutile, et l'on gagne du temps, ce qui est tout dire. Si nous finissons bien cette campagne, il y a tout à espérer que les Provinces-Unies se déclareront, et alors le cas de la question sera bien changé; ainsi tant que les alliés ne sont pas sûrs de leur secours, il paraît qu'il n'y a rien de mieux à faire que ce que l'on vient de proposer.

Nach dem zweiten66-1 vom Könige eigenhändig durchcorrigirten Entwurf; übereinstimmend mit der Ausfertigung im British Museum zu London.



63-2 Am 20. November vom Könige Mitchell zugefertigt (vergl. Nr. 8353), von Mitchell an Holdernesse am 24. November übersandt. — Das „Projet“ liegt in zwei Entwürfen vor, von denen der erste ganz eigenhändig ist, der zweite besteht in einer vom Könige eigenhändig durchcorrigirten Abschrift des ersten Entwurfs. Nach dem zweiten Entwurf ist die Ausfertigung im British Museum zu London abgefasst.

63-3 Vergl. S. 60.

64-1 Vergl. S. 56.

64-2 Vergl. Bd. XIII, 609.

64-3 Erster Entwurf: „La ville de Wésel.“

64-4 Erster Entwurf: „mais elle est pour la ville dont elle compose l'enceinte, comme etc.“

64-5 Erster Entwurf: „s'attendre que la ville serait prise à la fin du mois. La prise de cette place serait d'un grand avantage pour les Français etc.

64-6 Erster Entwurf: „demarches“ .

64-7 Erster Entwurf: „tenter“ .

65-1 Erster Entwurf: „marcher“ .

65-2 Erster Entwurf: „,à Dortmund et à Hameln outre cela un dépôt de farine.“

65-3 „Si l'on ne s'y prend pas de bonne heure“ fehlt im ersten Entwurf.

65-4 Erster Entwurf: „qu'il“ .

66-1 Vergl. S. 63 Anm. 2.