8390. AU GÉNÉRAL MAJOR BARON DE SPŒRCKEN A VARSOVIE.

Spörcken schreibt, Warschau 24 November: „J'ai reçu le 21 de ce mois la réponse dont Votre Majesté m'a honoré en date du 9.101-1

Je ne dissimulerai point à Votre Majesté toute ma surprise des conditions qu'Elle témoigne avoir mises à la promesse expresse de permettre l'établissement des stations d'uhlans pour la facilité de la correspondance de Pologne en Saxe et de Saxe en Pologne.

Lorsque j'eus l'honneur d'être envoyé à Votre Majesté, à Son quartier de Struppen, pour convenir avec Elle et signer les articles de la neutralité de la forteresse de Kœnigstein,101-2 dans l'audience qu'Elle me fit la grâce de m'accorder, comme je Lui demandais avec instance que la compagnie noble des cadets, qui était dans la forteresse,101-3 et une partie du régiment des grenadiers gardes du Roi mon maître ne subissent pas le sort du reste de l'armée et pussent rester auprès du Roi mon maître pour la garde de sa personne, Votre Majesté, en se refusant à toutes mes demandes, me dit d'un ton de reproches:

« Le Roi votre maître a encore 5 régiments de cavalerie en Pologne et il les a donnés à mes ennemis. »101-4

Alors, Sire, j'eus l'honneur de représenter à Votre Majesté que l'état où Elle avait réduit le Roi mon maître, en S'emparant de tous les revenus de l'électorat, mettait Sa Majesté dans la nécessité de pourvoir à la subsistance et entretien des 4 régiments qu'elle avait en Pologne, en les donnant pour un temps à l'Impératrice-Reine.

J'ajoutai ensuite, mais de mon chef et sans ordre particulier, comme Votre Majesté peut le voir encore par l'incertitude où j'étais, que j'ignorais quelle convention pouvait être entre Sa Majesté le Roi mon maître et Sa Majesté Impériale pour ces 4 régiments, mais que je croyais que, si Votre Majesté voulait bien, par égard pour le Roi mon maître, lui accorder la compagnie noble des cadets et une partie de son régiment des grands grenadiers, il ne serait peut-être pas impossible au Roi mon maître, en retour de ce procédé, d'obtenir de l'Impératrice-Reine qu'il fît rester un ou deux régiments en Pologne pour sa garde.

Votre Majesté ne daigna pas Se rendre aux instances que j'eus l'honneur de Lui faire à ce sujet, et Elle exigea absolument que le régiment des grands grenadiers et la compagnie noble des cadets subissent le sort de toute l'armée. Ce fut la seule condition que Votre Majesté mit à Sa signature de la convention de neutralité pour la forteresse de Kœnigstein et des passe-ports que je Lui avais demandés.101-5

<102>

J'eus l'honneur ensuite de demander à Votre Majesté si la correspondance serait libre de Saxe en Pologne et de Pologne en Saxe. Elle me fit la grâce de me répondre: « Oui. » — Je Lui demandai encore si Elle trouverait bon qu'on établît, comme à l'ordinaire, des stations d'uhlans pour la facilité de cette correspondance entre le Roi mon maître, la Reine et sa famille royale. Votre Majesté me répondit en propres termes :

« Oui, oui, cela ne fait aucune difficulté. Vous pouvez le dire au Roi votre maître : il peut correspondre avec la Reine, faire venir qui il veut, et placer ses uhlans comme à l'ordinaire, pour faciliter et accélérer sa correspondance. »

Et, sur cela, Votre Majesté m'engagea Sa parole royale, sans condition, sans réserve et sans faire mention des 4 régiments de Pologne.

Voilà, Sire, le rapport fidèle de l'audience que Votre Majesté me fit la grâce de m'accorder à Son quartier de Struppen.

J'ai rendu compte au Roi mon maître de ce que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire, et me suis lavé, ainsi que je l'ai dû, de l'imputation que Votre Majesté semble me faire dans Sa lettre, de Lui avoir engagé la parole du Roi mon maître, qui une fois donnée est invariable et inviolable, mais qu'il ne m'a jamais autorisé à donner au sujet des 4 régiments, et que je n'ai point sûrement donnée à Votre Majesté sans son ordre.

Je prends la liberté, Sire, d'appeler de tout ce que je viens d'avoir l'honneur d'exposer à Votre Majesté, à la fidélité de Son souvenir.

C'est par ordre du. Roi mon maître que j'ai l'honneur de répondre à Votre Majesté et de Lui demander ce qu'il Lui plaît de tenir de la promesse non conditionnelle qu'EUe m'a faite concernant l'établissement des stations d'uhlans et la sûreté de la correspondance entre la Saxe et la Pologne.

J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect etc.“

Dresde, 2 décembre 1756.

Monsieur le général major baron de Spœrcken. J'ai reçu la lettre que vous avez voulu me faire le 24 du mois précédent. Je trouve d'abord contre ma dignité d'entrer en explication sur la certitude ou l'incertitude des différentes circonstances qu'elle contient.

Il est cependant très certain que de la part de votre cour on a usé de peu de sincérité en dressant la capitulation;102-1 on a non seulement, pendant le temps que l'on y travaillait, fait monter 300 hommes du régiment de Rutowski et plusieurs officiers au Kœnigstein, mais, encore après la confirmation de la capitulation, on n'a pas hésité de faire évader surtout de ces derniers et de les faire entrer en Bohême auprès des Autrichiens, comme je l'ai appris à n'en point douter. Par la même raison ci-dessus alléguée, je me dispense de relever ce qui s'est fait avec les régiments saxons qui sont restés en Pologne, mais pour certain tous ces procédés ne peuvent point exciter ultérieurement ma complaisance. Et comme d'ailleurs toutes les tracasseries et les menées [me sont connues] que les officiers prisonniers de guerre ont mises en pratique,102-2 pour débaucher et animer les soldats à la désertion pour les faire entrer ensuite clandestinement en Bohême, Pologne et autres endroits, contre la teneur de la capitulation et leurs engagements d'honneur, sans parler de leur correspondance illicite, je ne vois pas comment<103> je puis, après cela, me confier à la bonne foi. Je me vois, au contraire, forcé de mettre des bornes à la complaisance dont j'ai fait usage jusqu'ici, et de songer plutôt à ma propre sûreté et au salut de mes États et par conséquent de refuser rondement les postes d'uhlans au travers de mes États, comme une chose de mauvaises suites, de sorte que l'on ne doit plus y penser. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, Monsieur le général major baron de Spœrcken, en sa sainte garde.

J'espère que ce sera la dernière lettre que vous m'écrirez, car, depuis les procédés peu amiables de votre cour, il ne me reste que le droit de l'épée; on abuse étrangement de ma modération; si l'on me pousse à bout, je ne réponds de rien, et ceux qui me bravent et me trompent grossièrement à présent, pourront avoir lieu de s'en repentir. Mais il faut tout sacrifier à la cour de Vienne, et l'on s'aveugle, parceque l'on ne veut point voir. Je m'en lave les mains. Voici la dernière réponse que vous recevrez de moi.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Königl. Hauptstaatsarchiv zu Dresden. Der Zusatz eigenhändig.



101-1 Nr. 8313.

101-2 Vergl. Bd. XIII, 53S. 539. 55S. 559.

101-3 Vergl. Bd. XIII, 538. 5518.

101-4 Vergl. Bd. XIII, 538. 539.

101-5 Vergl. dagegen S. 23; Bd. XIII, 539. 549. 573.

102-1 Vergl. S. 22. 23; Bd. XIII, 541. 549. 558.

102-2 Vergl. S. 5. 21. 97. 108.