8415. MÉMOIRE CONCERNANT LES PRINCIPALES OPÉRATIONS PROJETÉES PAR LA COUR DE FRANCE POUR LA PROCHAINE CAMPAGNE.119-1

Les projets de la cour de France pour la campagne prochaine se réduisent aux articles suivants :

1° Il est certain que la cour de Vienne, qui se propose de faire les plus grands efforts pour le recouvrement de la Silésie, continue d'insister avec chaleur sur la prestation du corps auxiliaire de 24,000 hommes stipulé par le traité de Versailles. La commission dont est chargé le comte d'Estrées,119-2 est principalement relative à l'emploi et a la marche de ce corps, dont on voudrait que l'Impératrice-Reine fît usage pour pénétrer en Saxe et forcer l'armée prussienne à évacuer cet électorat et à se replier sur la Lusace et les Marches de Brandebourg.

2° Il est également décidé que la France ne se bornera point à fournir le contingent stipulé par le traité de Versailles, mais qu'indépendamment de cette démarche, elle assemblera une armée de 60,000 combattants sur le Bas-Rhin, pour entreprendre une puissante diversion contre le pays d'Hanovre et pour pénétrer dans cet électorat par le duché de Clèves et les autres États que Sa Majesté Prussienne possède du côté de la Westphalie. 119-3

Comme l'on prévoit qu'il est essentiel pour assurer la retraite d'une pareille armée, de s'emparer de la ville de Wésel, l'on se prépare non seulement à en former le siège à l'ouverture de la prochaine campagne, mais comme l'on se flatte aussi que les cours d'Hanovre et de Berlin, qui paraissent n'avoir nulle connaissance de ce projet,119-4 ne prendront aucunes mesures pour en empêcher la réussite, l'on est persuadé qu'on aura bon marché de cette place qu'on regarde comme la clef et le principal boulevard de l'électoral d'Hanovre. Le ministère de France, qui est instruit que cette place se trouve pourvue d'une artillerie considérable qu'on évalue à plus de 200 pièces de canons, ainsi que d'un très grand nombre de toutes sortes de munitions de guerre, espère en outre d'en tirer tous les secours dont on aura besoin pour attaquer 1 électorat d'Hanovre et pour assiéger les places qui servent à sa défense. On est donc déterminé à se présenter sur les frontières du duché de Clèves au commencement du mois de mars, et comme l'on espère de n'éprouver aucune résistance dans les opérations de cette entreprise, un compte de se rendre maître de Wésel vers la fin d'avril, de pénétrer, immédiatement après, dans l'électorat d'Hanovre et de laisser un corps de troupes en garnison dans cette place pour tenir le landgrave de Hesse-Cassel en respect et assurer la retraite de l'armée.

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Les avantages que le ministère de France se promet d'une pareille diversion, sont en grand nombre et consistent :

En premier lieu, en ce qu'il espère non seulement de trouver à Stade des sommes très considérables,120-1 qui, jointes aux contributions énormes qu'on se propose de lever dans cet électorat, mettront Sa Majesté Très Chrétienne en état de pouvoir faire face amplement à tous les frais de la présente guerre et la dédommageront en même temps de ceux que lui a déjà occasionnés la levée de boucliers, à laquelle la Grande-Bretagne l'a forcée dans le cours de l'année passée.

Aussi est-on déterminé en France à ne garder nul ménagement à l'égard des contributions qu'on lèvera dans cet électorat, et à les percevoir avec la plus grande rigueur. Je120-2 sais même, et c'est un fait certain, que les auteurs de ce projet ont soutenu ouvertement dans le Conseil qu'il fallait en agir avec cet électorat avec la même sévérité avec laquelle Louis XIV avait traité le Palatinat, afin de convaincre à jamais le Corps Germanique qu'on n'offensait pas impunément la France, et de lui faire sentir tout le poids de sa puissance. A quoi d'autres ont ajouté encore que c'était là le vrai moment de se venger d'une façon exemplaire de toutes les vexations que la Grande-Bretagne avait exercées sur mer envers les sujets de la France au commencement de la présente guerre.120-3 Enfin, que c'était une réparation qu'exigeait la dignité de Sa Majesté Très Chrétienne, et qu'elle devait à ses sujets pour les venger et les indemniser de l'oppression qu'ils avaient éprouvée.

En second lieu, on se flatte qu'une pareille diversion découragera entièrement le landgrave de Hesse-Cassel et les autres alliés que la Grande-Bretagne peut avoir dans l'Empire, et les forcera, sinon à se jeter dans les bras de la France, au moins à se réduire à la neutralité la plus stricte et la plus scrupuleuse.

En troisième lieu, on est persuadé que la perte de l'électorat d'Hanovre encouragera tous les alliés cachés que la France peut avoir dans l'Empire, à lever le masque et à éclater ouvertement et sans crainte, tant contre le roi d'Angleterre que contre Sa Majesté Prussienne. Il m'est120-4 revenu de bon lieu qu'indépendamment des princes de l'Empire dont je viens de faire mention, on fonde de grandes espérances sur la Suède, et que l'on croit savoir qu'elle ne manquerait pas en pareil cas de revendiquer les duchés de Bremen et de Verden et de joindre pour cet effet à l'armée française les troupes qu'elle a actuellement dans le duché de Poméranie; après quoi elle dirigerait ses forces contre Sa Majesté Prussienne.

En quatrième lieu, on est convaincu en France que, si cette opération se terminait heureusement et d'une manière conforme aux espérances qu'on a conçues à cet égard, le parti que la maison d'Ha<121>novre peut avoir dans l'Empire, se dissoudra totalement et qu'un siècle entier ne suffirait pas pour rétablir son crédit et sa considération en Allemagne.

En cinquième lieu, le ministère de France a fait entrevoir à différentes personnes qu'il avait lieu de présumer que la réussite des négociations qu'il avait entamées avec l'Électeur palatin et celui de Cologne, pour entraîner les deux princes dans son parti, dépendrait uniquement du succès de la diversion susmentionnée.

Nach der Ausfertigung im British Museum zu London. Das Concept im Geheimen Staatsarchiv zu Berlin von der Hand Knyphausen's.



119-1 Am 9. December vom Könige dem grossbritannischen Minister Mitchell überleben; an demselben Tage sendet dieser eine Abschrift an Holdernesse. Vergl. 118.

119-2 Vergl. S. 27. 28.

119-3 Vergl. S. 28. 60.

119-4 Vergl. S. 60. 63.

120-1 Vergl. Bd. XIII, 565.

120-2 Knyphausen. Vergl. S. 118 Anm 3.

120-3 Vergl. Bd. XI, 478; XII. 32—34.

120-4 Knyphausen.