8520. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A BERLIN.

Instruction secrète pour le comte de Finck.

Berlin, 10 janvier 1757.

Dans la situation critique où se trouvent nos affaires, je dois vous donner mes ordres, pour que, dans tous les cas malheureux qui sont dans la possibilité des évènements, vous soyez autorisé aux partis qu'il faut prendre.

1° S'il arrivait — de quoi le Ciel préserve! — qu'une de mes armées en Saxe fût totalement battue, ou bien que les Français chassassent les Hanovriens de leur pays et s'y établissent et nous menaçassent<198> d'une invasion dans la Vieille-Marche, ou que les Russes pénétrassent par la Nouvelle-Marche, il faut sauver la famille royale, les principaux dicastères, les ministres et le directoire. Si nous sommes battus en Saxe du côté de Leipzig, le lieu le plus propre pour le transport de la famille et du trésor est à Cüstrin; il faut, en ce cas, que la famille royale et tous ci-dessus nommés aillent, escortés de toute la garnison, à Ciistrin. Si les Russes entraient par la Nouvelle-Marche, ou qu'il nous arrivât un malheur en Lusace, il faudrait que tout se transportât à Magdebourg. Enfin, le dernier refuge est à Stettin; mais il ne faut y aller qu'à la dernière extrémité. La garnison, la famille royale et le trésor sont inséparables et vont toujours ensemble; il faut y ajouter les diamants de la couronne et l'argenterie des grands appartements, qui en pareil cas, ainsi que la vaisselle d'or, doit être incontinent monnayée.

S'il arrivait que je fusse tué, il faut que les affaires continuent leur train sans la moindre altération et sans qu'on s'aperçoive qu'elles sont en d'autres mains; et en ce cas il faut hâter serments et hommages, tant ici qu'en Prusse, et surtout en Silésie.

Si j'avais la fatalité d'être pris prisonnier par l'ennemi, je défends qu'on ait le moindre égard pour ma personne, ni qu'on fasse la moindre réflexion sur ce que je pourrais écrire de ma détention. Si pareil malheur m'arrivait, je veux me sacrifier pour l'État, et il faut qu'on obéisse à mon frère, lequel, ainsi que tous mes ministres et généraux, me répondront de leur tête qu'on n'offrira ni province ni rançon pour moi, et que l'on continuera la guerre, en poussant ses avantages tout comme si je n'avais jamais existé dans le monde.

J'espère et je dois croire que vous, comte Finck, n'aurez pas besoin de faire usage de cette instruction; mais, en cas de malheur, je vous autorise à l'employer, et, marque que c'est, après une mûre et saine délibération, ma ferme et constante volonté, je la signe de ma main, et la munis de mon cachet.

Federic, R.

(L. S.)


Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.