8591. AU MINISTRE DE LA GRANDE-BRETAGNE MITCHELL A BRUNSWICK.

Dresde, 7 février 1757.

Secrétissime. Monsieur. Je vous avais déjà fait ma lettre du 5 de ce mois,252-3 quand je reçus la dépêche du sieur Michell252-4 que votre courrier de Londres avait apportée dans le paquet du comte Podewils, et par laquelle j'ai appris une anecdote assez curieuse sur laquelle milord Holdernesse même a bien voulu instruire le sieur Michell, quoique toujours sous le sceau du dernier secret, pour ne pas l'exposer lui-même.

Il s'y agit de l'alarme que les ministres d'Hanovre avaient prise si fort de la situation périlleuse où ils se croyaient être, qu'ils avaient osé<253> insinuer à Sa Majesté Britannique que, si l'on pouvait mettre l'électorat à couvert par le canal de la cour de Vienne, ce serait une démarche de prudence dans les circonstances présentes, vu le grand nombre d'ennemis que j'avais à combattre et le peu de secours que l'on avait à espérer de ma part après la perte totale de la Russie pour l'Angleterre et la résolution que la première avait prise de secourir les cours de Vienne et de Dresde et d'accéder au traité de Versailles.253-1 Mais que ces insinuations n'avaient fait aucune impression sur l'esprit du Roi et encore moins sur son ministère anglais, quoiqu'elles eussent été faites avec assez de finesse et que c'eût été par le canal de la comtesse de Yarmouth que les ministres hanovriens avaient fait passer ici leurs craintes au Roi, auprès duquel elles avaient été soutenues par le baron de Münchhausen, toujours fort timide.

Milord Holdernesse, en disant tout ceci dans la dernière confiance et à demi mots au sieur Michell, a cependant eu la bonté de lui avouer de plus qu'on avait cherché à le mettre lui-même mal dans l'esprit du Roi, comme ne lui faisant pas assez sentir la situation périlleuse où il se trouvait en me soutenant et me secondant, et ne cherchant pas à le tirer d'affaires par d'autres moyens. Que ces insinuations avaient été suggérées par les Autrichiens à la régence d'Hanovre, qui les avaient fait soutenir à Londres par le comte Colloredo, au point que ce dernier avait eu l'audace d'en parler à lui, milord, en se plaignant en même temps de ses procédés envers la cour de Vienne et qu'il était l'auteur des propos que l'on avait débités sur son chapitre, et entre autres qu'il avait été le premier à divulguer que l'Impératrice-Reine n'avait pas voulu entrer dans la querelle que l'Angleterre avait avec la France, qu'à condition qu'on l'aidât à m'attaquer. Mais qu'il avait répondu audit comte avec la fermeté et la dignité qu'il convenait à un ministre d'Angleterre, et de façon à le convaincre que de pareils reproches et des ruses de cette façon ne feraient jamais aucune impression sur l'esprit du ministère britannique et n'altéreraient en rien la résolution où il était d'aller en avant avec moi et de faire repentir par là le comte de Kaunitz de ses procédés ingrats envers l'Angleterre, et combien peu celle-ci était disposée de vouloir donner dans les pièges qu'il voulait lui tendre.

Le sieur Michell ajoute, en guise de sa propre réflexion, qu'on voyait par là les motifs pour lesquels le comte Schmettau n'avait pas trouvé dans la régence d'Hanovre tout l'empressement253-2 et toutes les dispositions qu'il aurait été à souhaiter, afin que l'armée à former en Westphalie pût servir d'abord à couvrir les États de Clèves; qu'on ne devait pas être surpris non plus, si l'on trouvait dans cette régence de la timidité et de l'irrésolution, puisque c'était en conséquence de ces représentations que le Roi ne s'était pas décidé encore de faire marcher<254> cette armée en avant et de lui faire prendre immédiatement une position plus utile à moi. Mais comme on serait instruit actuellement à Hanovre des sommes d'argent que le Parlement doit donner à Sa Majesté Britannique, pour former et faire agir l'armée dont il s'agit, pour le soutien de la cause commune, du renvoi prochain du reste des troupes d'Hanovre et des Hessois,254-1 et enfin que c'était pour soutenir et seconder moi de même que l'électorat, que l'Angleterre fournissait aux moyens de faire agir cette armée, il fallait espérer que Messieurs d'Hanovre ne seraient plus si timides et si irrésolus et qu'ils conviendraient de se montrer tels qu'ils devraient être, et tels que l'Angleterre le fait à mon sujet.

Voilà, je crois, Monsieur, assez de circonstances intéressantes qui sauront vous servir de direction secrète et sous main, selon la sagesse et la prudence que je vous connais, en traitant avec ces gens-là. La seule chose que je vous supplie avec instance, c'est de vouloir me garder le secret le plus religieux sur l'ouverture que je vous en fais, jusqu'à ne rien même faire apercevoir au comte Schmettau, pour ne pas exposer notre digne et respectable milord Holdernesse, à qui de ma part, en reconnaissant comme un sûr garant de son amitié et de sa bonne intention pour la cause commune cette marque de confiance donnée au sieur Michell, je garderai le secret le plus absolu, jusqu'à n'en laisser rien entrevoir à mes ministres même, ni d'ailleurs à âme qui vive. C'est, au reste, avec cette estime sans bornes que vous me connaissez pour vous, que je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung im British Museum zu London.



252-3 Vergl. Nr. 8584.

252-4 Bericht Michell's, d. d. London 25. Januar. Vergl. Nr. 8603.

253-1 Vergl. S. 164. 241.

253-2 Vergl. S. 175. 177. 183.

254-1 Vergl. S. 229.