8619. AU MINISTRE DE LA GRANDE-BRETAGNE MITCHELL A BRUNSWICK.

Dresde, 17 février 1757.

J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez écrite du 14 de ce mois, et vous suis très redevable des soins et des peines que vous avez<277> employés pour acheminer heureusement la négociation avec le duc de Brunswick,277-1 de même que pour rectifier les ministres d'Hanovre sur plusieurs points.277-2

Je vous avoue cependant que je ne suis pas sans appréhensions que ce ministère timide et irrésolu ne se fasse des illusions sur les fausses apparences d'une neutralité dont la cour de Vienne le berce, et qu'en donnant inconsidérément dans le piège, il ne nous brouille nos affaires en Angleterre. La seule réflexion qui me rassure là-dessus, est que je ne saurais croire que jamais l'on voudrait prêter les mains, contre tout ce que milord Holdernesse m'a fait assurer depuis peu par le sieur Michell,277-3 à un projet si indigne et à un complot aussi noir que celui de me sacrifier à toute rage de mes ennemis, lesquels, pour la plus grande part, je me suis attirés pour m'être lié avec l'Angleterre pour assurer la tranquillité aux États d'Hanovre.277-4

Avec cela, je ne veux pas vous dissimuler les inquiétudes qui me restent encore par rapport au peu d'empressement que je remarque qu'on met en Angleterre au sujet du renvoi des troupes d'Hanovre et de Hesse en Allemagne,277-5 nonobstant qu'on n'ignore pas les grands préparatifs auxquels on travaille en France pour mettre de très bonne heure une armée en campagne et la faire marcher même dans le courant de ce mois, selon les avis qui en sont revenus au duc de Brunswick.277-6

Ce que j'en appréhende, c'est que ledit ministère, pourvu qu'il ne charrie pas juste, ne veuille couvrir ses mauvaises intentions du prétexte de ce que, les vents ayant été toujours contraires pour ne pas laisser sortir les vaisseaux de transport des ports d'Angleterre, et n'ayant pas pu se servir par là des troupes, on avait été obligé de passer cette malheureuse neutralité. Mais, encore une fois, je ne saurais croire jusqu'à présent que votre cour, Monsieur, voudrait condescendre à une faiblesse aussi marquée et flétrissante que celle-ci, et sacrifier par ce noir complot moi avec le duc de Brunswick, tout comme le landgrave de Cassel, aux ressentiments de nos ennemis; démarche dont cependant les suites fâcheuses retomberaient toujours à la fin sur l'Hanovre, puisque tout homme qui y pense bien, ne saura envisager cette prétendue neutralité que comme un leurre de la cour de Vienne pour amuser le ministère d'Hanovre à ne point songer à temps et sérieusement à la défense, afin que l'armée française, une fois pénétrée en Allemagne, trouve au dépourvu l'Hanovre et en agisse à son gré; sans compter que le grand coup rejaillira à la fin même sur l'Angleterre, qui, après que les cours de Vienne et de Versailles seront une fois parvenues à être les maîtresses absolues de l'Allemagne, se verra forcée de subir toutes les lois que les deux puissances conjointement voudront lui prescrire.

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C'est par l'amitié et la confiance que je vous porte que je m'ouvre si confidemment envers vous; je connais trop vos sentiments patriotiques et zélés pour la bonne cause, pour ne pas attendre de vous que vous fassiez un très bon usage de tout ce que je vous ai expliqué, afin de remédier encore aux maux qui menacent, et au surplus vous serez persuadé des sentiments d'estime et de considération que je vous garderai à jamais.

Federic.

P. S.

Après avoir fini ma lettre, je viens de recevoir un rapport de mon ministre, le comte Podewils, sur la communication que le ministère d'Hanovre lui a faite de la convention de neutralité proposée de la cour de Vienne par le comte Colloredo à Londres, et sur ce qui lui a été répondu.278-1 Quoique je ne doute pas que vous n'en soyez déjà informé, j'ai en tout cas hasardé de vous envoyer ci-clos un précis de tout ce dont il s'y agit, et de la réponse qui y a été faite, dont cependant vous aurez la bonté de ménager encore le secret.

Je suis bien content de ce que le ministère britannique a marqué tant de fermeté pour refuser rondement le point auquel les cours de Vienne et de France ont principalement visé, j'espère qu'on y agira avec la même fermeté sur tout ce qui regarde le reste, pour faire échouer ce qui fait le principal objet de la proposition de ladite cour, savoir amuser la cour de Londres pour ne pas songer, en attendant, aux mesures à prendre, nous désunir et nous séparer pour avoir de nous après à meilleur marché l'un après l'autre, et introduire les Français en Allemagne sans opposition, afin de prendre l'Hanovre sans défense et entièrement au dépourvu; ce que je crois qu'on peut nommer à bon droit une trahison marquée.

Le roi d'Angleterre a connu le piège que lui tendaient les Autrichiens, et il a généreusement refusé la neutralité trompeuse qu'ils lui ont offerte. Je crains seulement à présent que l'on ne tarde trop d'assembler cette armée d'observation qui, à mon avis, ne peut être trop vite portée à Lippstadt.278-2 Enfin, la crise des affaires est terrible, mais je ne désespère de rien, et pourvu que les Hanovriens et Hessois passent la mer à temps, nous viendrons à notre honneur à bout de nos ennemis.

Federic.

Nach der Ausfertigung im British Museum zu London. Der Zusatz zu dem P. S. eigenhändig.



277-1 Vergl. S. 241.

277-2 Vergl. S. 253. 254.

277-3 Vergl. S. 275.

277-4 Vergl. Bd. XII, 503.

277-5 Vergl. S. 275.

277-6 Vergl. S. 282 Anm. 2.

278-1 Vergl. Nr. 8620.

278-2 Vergl. S. 65. 132. 250.