8640. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Dresde, 21 février 1756.

Je n'ai point eu de vos nouvelles l'ordinaire dernier, c'est pourquoi aussi je ne saurais que vous renvoyer aujourd'hui à la lettre du 17 de ce mois que je vous ai faite.297-3

En attendant donc votre réponse, je ne veux point vous laisser ignorer que, selon mes lettres de Suède,297-4 la France y remue fortement pour engager la Suède de se déclarer pour la cour de Vienne et de faire cause commune avec la France sous prétexte de garante de la paix de Westphalie, comme aussi de faire pour ce sujet un transport de troupes suédoises de 26,000 hommes dans la Poméranie suédoise,297-5 afin d'y agir au gré de la France; je sais même que le sénat de Suède n'a pas pour moi la meilleure volonté du monde. Quoique je n'ignore pas l'état de faiblesse de ce royaume, et qu'il n'a pas les moyens en mains pour se mêler directement de la guerre présente, cependant, le plus grand nombre des sénateurs étant à la dévotion de la France et l'autorité du Roi étant si bornée qu'il ne saurait s'opposer en rien à ce que la pluralité dans le Sénat décide, je ne garantirais pas que le dernier, aidé par un extraordinaire de la France, ne se laissât entraîner pour prendre la résolution de faire passer un corps de troupes en Allemagne, au commencement sous prétexte de couvrir la Poméranie suédoise, et depuis pour le donner à la disposition de la France.

C'est pourquoi mon intention est que vous devez parler aux ministres anglais de cette affaire et leur représenter que ces circonstances pourraient bien rendre nécessaire l'envoi d'une escadre anglaise dans la Baltique, dont je vous ai déjà marqué quelque chose par [une] de mes lettres antérieures,297-6 afin de couper ou prévenir par là toute mauvaise démarche à laquelle, sans cela, le sénat de Suède saurait se laisser entraîner par la France. Vous ajouterez que ce secours d'une escadre dans la Baltique devenait d'autant plus pressant que, selon des lettres<298> de Pétersbourg du 5 de ce mois,298-1 après une conférence du ministère de Russie avec le comte Esterhazy, les ordres sont donnés à l'amirauté de Russie d'équiper tous les vaisseaux de guerre et galères, afin de sortir, dès que les eaux seront dégagées des glaces.

Vous ne manquerez pas de me faire votre rapport de la réponse que vous avez eue, et à quoi vous croyez que l'Angleterre se déterminera à ce sujet, d'abord que vous saurez le faire d'une manière positive.

Au surplus, le roi d'Angleterre m'ayant fait informer par le sieur Mitchell298-2 de tout ce qui s'est passé à l'égard de l'intrigue que la cour de Vienne a voulu mettre en usage par la neutralité trompeuse pour l'Hanovre, et de la réponse vigoureuse que le ministère anglais a donné là-dessus, vous ne manquerez pas de faire là-dessus le compliment le plus flatteur aux ministres, en les assurant sur la ferme résolution où je resterais de ne me départir jamais des intérêts de l'Angleterre.

Ayant appris, d'ailleurs, par une lettre confidente,298-3 la généreuse déclaration que le duc de Newcastle a faite à un de ses amis, que lui et Milord Chancelier,298-4 malgré les emplois quittés,298-5 ne changeraient jamais de sentiments pour la cause commune, tout comme s'ils étaient actuellement en place, vous devez chercher l'occasion de lui faire de ma part un compliment des plus affectueux là-dessus, en ajoutant qu'étant dans des dispositions si dignes et si généreuses, je me flattais qu'il voudrait bien y continuer et soutenir auprès du Parlement un ouvrage [tel] que celui de mes liaisons avec l'Angleterre, qui était le sien propre.

Federic.

P. S.

J'avais déjà signé ma lettre, quand je reçus le rapport du 8 de ce mois, dont j'ai été très satisfait, parce qu'il me confirme en gros tout ce que le sieur Mitchell, en conséquence de ses ordres, m'avait déjà marqué tout en détail.298-6 Il est vrai qu'on a raison de frémir, lorsqu'on voit cette grande duplicité de la cour de Vienne avec laquelle elle agit sans distinction, et ses propositions trompeuses pour parvenir à ses vues ambitieuses. Du reste, je vous réitère encore de faire de ma part aux ministres anglais tout ce que vous saurez imaginer de plus obligeant et de plus flatteur, tant à l'égard du Roi qu'à eux-mêmes, sur la fermeté et la droiture, de même que sur leur grande pénétration pour pénétrer d'abord toutes les suites pernicieuses et cachées sous les propositions de nos ennemis; vous leur donnerez en même temps les plus fortes assurances sur mon attachement invariable à l'Angleterre, et que j'agirai toujours en fidèle allié avec une sincérité sans réserve,<299> égale à celle qu'ils me témoignent. Mandez-moi, au reste, quand les troupes de Hesse et d'Hanovre pourront s'embarquer, pour passer la mer.299-1

Nach dem Concept.



297-3 Vergl. Nr. 8621.

297-4 Bericht des Grafen Solms, d. d. Stockholm 1. Februar. Vergl. Nr. 8629.

297-5 Vergl. S. 282 Anm. 4; 288.

297-6 Vergl. S. 230. 265.

298-1 Bericht Swart's, d. d. Petersburg 5. Februar. Vergl. S. 297 Anm. 1 u. 2.

298-2 Vergl. Nr. 8634.

298-3 Schreiben des Herzogs von Braunschweig, d. d. Braunschweîg 17. Februar. Vergl. Nr. 8635.

298-4 Hardwicke.

298-5 Vergl. S. 81.

298-6 Vergl. Nr. S634.

299-1 Vergl. S. 281.