9774. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Breslau, 12 février 1758.

Votre dépêche du 24 du mois passé244-1 m'est bien parvenue; et comme le contenu n'en est rien moins qu'intéressant et ne répond nullement à l'importance des objets qui occupent actuellement toutes les cours de l'Europe, et qui devraient surtout fixer l'attention de celle d'Angleterre, je ne puis m'empêcher de vous dire que ce ne sont pas les simples compliments dont les ministres anglais tâchent de vous payer, ni des rapports conçus en termes vagues et généraux, mais des relations solides et intéressantes, remplies de réalités et accompagnées du détail nécessaire que j'attends de votre part dans la crise présente des affaires. Vous devriez me marquer ce que les ministres vous répondent aux représentations sérieuses que je vous ai si souvent chargé de leur faire de ma part, les arguments qu'ils opposent à ceux que je vous ai fournis, et qui sont certainement sans réplique, et la manière dont vous vous y prenez pour lever leurs objections. Ce sont là des articles que vous ne touchez qu'en passant dans vos dépêches, et dont le détail est cependant absolument nécessaire pour me mettre en état de juger de la véritable façon de penser du ministère britannique et de la valeur de ses promesses. Il m'importe de savoir si j'ai quelque assistance réelle à espérer de l'Angleterre dans les circonstances critiques où je me trouve, et quels sont les moyens que cette cour se propose de mettre en œuvre pour faire échouer les vastes projets de la France, dans un moment où cette dernière tourne toutes ses vues du côté du continent et de l'Allemagne en particulier, et où elle fait les plus grands efforts pour parvenir à ses fins et pour donner la loi à l'Europe. Je souhaite d'être instruit de l'usage que les ministres anglais comptent de faire de leurs troupes nationales;244-2 s'ils ont résolu de ne les point employer du tout, si leur destination se borne à l'Amérique seule, et s'ils veulent mettre effectivement les affaires d'Allemagne au hasard et courir le risque d'un bouleversement général dans le système de l'Europe.

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Voilà des matières dignes de mon attention, qui m'intéressent tout autrement que les repas et les réjouissances que l'on fait à Londres, et dont vous devez à l'avenir composer vos dépêches, si vous voulez qu'elles aient mon approbation. Celles que vous m'avez adressées depuis quelque temps, ne sont pas de ce genre, et je ne puis que vous répéter à cette occasion ce que je vous ai déjà marqué précédemment,245-1 c'est que des rapports aussi stériles ne peuvent que me faire soupçonner que vous ne traitez pas les affaires sérieuses et importantes dont je vous charge, avec le nerf et la vigueur convenable, que vous les discutez trop légèrement, et que vous vous attirez par là ces réponses vagues, superficielles et peu satisfaisantes que l'on vous a données pendant tout le cours de cette guerre, et qui ne sont nullement de saison dans la situation épineuse où nous nous trouvons. Vous aurez donc soin de remplir dorénavant mes intentions sur ce sujet en mettant dans l'exécution de mes ordres et dans vos entretiens avec les ministres la force et la dignité nécessaire pour leur donner du poids, en leur faisant sentir, dans toutes les occasions qui se présenteront, qu'il y va de part et d'autre des plus grands intérêts, que le moment est venu où l'Angleterre doit reprendre ou perdre à toujours la considération et l'influence qui lui appartient dans les affaires générales de l'Europe, et que c'est le plus ou moins d'intérêt qu'elle prendra aujourd'hui à celles d'Allemagne qui décidera ce point si capital et si essentiel pour sa gloire et pour le bien de la cause commune. Vous me ferez sur tout cela des rapports tels que je viens de vous les prescrire.

Federic.

Nach dem Concept.



244-1 Vorlage: de ce mois.

244-2 Vergl. S. 228. 229.

245-1 Vergl. Nr. 9737. 9759.