9784. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Breslau, 18 février 1758.

Je viens de recevoir vos deux dépêches du 31 de janvier et du 3 de ce mois. Les raisonnements que vous y faites pour me faire sentir l'impossibilité de porter le ministère britannique à l'envoi d'un corps de troupes anglaises en Allemagne, ne sont pas du tout de nature à me<253> convaincre, et vous feriez beaucoup mieux de faire valoir les arguments que je vous ai si souvent fournis, et de vous en servir pour rectifier le susdit ministère et pour le faire revenir de ses préjuge's. Vous me parlez des intrigues du duc de Cumberland qui n'a plus d'influence dans les affaires, et de la politique du sieur Pitt, comme si la façon de penser de ce ministre devait décider du sort de l'Europe, et comme si c'était à lui simplement que je vous eusse accrédité. Je sais bien que c'est un homme qui joue un rôle en Angleterre, et qu'il faut ménager jusqu'à un certain point, mais si ses idées sont fausses à quelques égards, je ne vois pas pourquoi l'on ne pourrait pas le lui faire sentir de bonne manière et lui faire comprendre qu'elles vont tout droit à détruire le vrai système de sa cour et à donner gain de cause à la France et à ses alliés. Il s'agit de savoir si les Anglais ne veulent pas du tout se mêler des affaires du continent; en ce cas, il faudra s'attendre à un bouleversement général en Allemagne, mais il est vrai aussi de dire que ce sera l'Angleterre qui s'en ressentira à son tour, et qu'elle regrettera, mais trop tard, de n'avoir pas voulu déférer aux instances réitérées que j'ai faites. Je ne puis donc que vous renvoyer au contenu de ma dernière dépêche253-1 et vous recommander en particulier de me marquer une fois pour toutes ce que les ministres anglais prétendent faire de leurs troupes nationales, après les avoir augmentées si considérablement, si l'Amérique absorbe tout, et si l'on ne fait aucune sorte de projets pour le rétablissement des affaires de l'Europe, qui décideront cependant en dernier sort de la paix comme de la guerre.

Quant à l'invasion des troupes russiennes en Prusse,253-2 je ne conçois pas non plus par quel motif de délicatesse vous avez cru devoir déguiser cette nouvelle à la cour où vous êtes, puisqu'on ne saurait, après tout, ignorer en Angleterre la vérité des choses, et que c'est la connaissance du mal qui devrait les engager à y apporter les remèdes nécessaires. Vous craignez, dites-vous, que les nouvelles fâcheuses ne les découragent et ne ralentissent leurs efforts, tandis qu'ils n'en ont fait aucun jusqu'ici pour m'assister et pour me soutenir. Ils devraient plutôt imiter la conduite des cours ennemies qui redoublent de zèle et d'activité à mesure que le danger augmente, et dont les ministres remuent dans les différentes cours de l'Europe et y font jouer tous les ressorts imaginables pour parvenir à leur but. L'Angleterre en devrait faire autant en Suède, aussi bien qu'en Russie, et si elle ne le fait pas, il faudra bien à la fin que la cause commune en souffre, et que la ruine de ses alliés entraîne la sienne propre.

Federic.

Vos relations sont d'un secrétaire du sieur Pitt et non d'un envoyé du Roi; je suis excessivement mécontent de vous.

Das Hauptschreiben nach dem Concept. Der Zusatz eigenhändig auf der Ausfertigung.

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253-1 Vergl. Nr. 9774.

253-2 Vergl. S. 180. 221.