9795. AU SECRETAIRE BENOÎT A VARSOVIE.

Breslau, 23 février 1758.

J'ai bien reçu votre rapport du 18 de ce mois, sur lequel mes ministres du département des affaires étrangères ont ordre de vous répondre, afin que vous puissiez vous diriger en conséquence.

Pour ce qui est du contenu du post-scriptum de votre susdit rapport et des circonstances y mentionnées, je suis bien fâché que la situation où se trouve actuellement le Grand-Général de la Couronne, ne lui permette pas de me complaire par l'envoi d'une personne de confiance à l'endroit que vous savez,262-1 sachant d'ailleurs très bien que le comte Branicki y aurait été enclin, par son amitié pour moi, sans la situation gênante dans laquelle il se trouve présentement. C'est par cette considération-là que je lui en ai une reconnaissance tout aussi vive que s'il m'eût effectivement rendu le service sur lequel je vous avais ordonné de le requérir, et tout ce que je désire présentement de lui làdessus, c'est qu'il veuille bien m'en garder le secret le plus inviolable; et voilà ce que vous direz à ce sujet au Grand-Général de la Couronne d'une manière toute polie, en y ajoutant un compliment des plus obligeants de ma part.

Quant à l'affaire même de l'envoi en question, je me vois dans le cas de devoir vous dire que je ne me remets aucun officier actuellement à mon service que je pourrais charger de pareille commission, et qui possédât la langue polonaise au point que les circonstances l'exigent. C'est pourquoi vous manderez en grande hâte l'homme dont vous me parlez, que vous connaissez très bien, qui a déjà fait plusieurs fois et s'est bien tiré du voyage en question, mais qui se trouve, à l'heure qu'il est, dans le palatinat de Cracovie, afin qu'il vienne vous joindre incessamment; et si vous jugez pouvoir avoir une confiance entière en lui, vous l'expédierez à sa destionation, en le chargeant du paquet cijoint262-2 enveloppé dans de la toile cirée, en observant néanmoins de vous y prendre d'une manière qu'il n'en résulte aucun éclat, et que le secret de cet envoi reste impénétrable. L'importance du cas exige, avec cela, qu'il tienne la route la plus sûre et la plus courte, et qu'il fasse toute la diligence humainement possible, pour finir son voyage.

Je ne saurais entrer dans aucun détail, ni ne vous rien prescrire sur toutes les précautions que l'émissaire que vous emploierez, aura à observer pendant sa course, et je m'en rapporte simplement à ce sujet à votre savoir-faire et à celui de votre émissaire, pour agir conformément aux circonstances. Je me bornerai donc à vous dire que, quand l'émissaire que vous expédierez, sera heureusement arrivé à Constantinople, il faudra qu'il s'introduise adroitement et avec prudence chez l'ambassadeur d'Angleterre à Constantinople, le sieur Porter,262-3 pour rester inconnu, jusqu'à ce qu'il ait remis sondit paquet entre les mains du<263> sieur Porter et ait requis ce dernier de vouloir bien en avoir soin ultérieurement; à quoi il faudra que notre émissaire emploie un grand fonds d'adresse, pour échapper à la vigilance des mouches qui se trouvent en grand nombre à Constantinople, et pour rester inconnu le plus longtemps que faire se pourra. Voilà à quoi se réduisent les instructions que je puis vous donner pour la direction de votre émissaire; je m'en rapporte, pour le reste, à votre bon discernement, et je vous recommande fortement de bien penser à tout ce qui sera de besoin dans le cas en question. L'importance de l'affaire est toute des plus grandes, et vous en jugerez vous-même sur ce pied, sans que j'aie besoin d'entrer làdessus dans aucun autre détail.

Il ne me reste que de vous parler d'un article que je tiens pour tout-à-fait indispensable relativement à cet envoi, qui est, que vous requerriez convenablement le Grand-Général de la Couronne de vouloir bien munir l'émissaire en question, sous quelque prétexte plausible, d'un passe-port, au moins pour jusques au premier endroit sûr de la Turquie, et vous ne manquerez pas de vous employer de votre mieux pour le procurer moyennant l'assistance du sieur Beck,263-1 auquel vous réitèrerez les assurances de ma reconnaissance envers lui, en lui disant que je lui avais déjà effectivement fait expédier gratis le brevet de conseiller de guerre, et que je lui continuerais non seulement la pension annuelle de 300 écus que je lui avais accordée, mais que je l'augmenterais même, mon intention étant de le placer, en considération des bons services qu'il continuerait à me rendre, d'une manière convenable et avantageuse dans une de mes chambres de guerre et de domaines.

Au surplus, si l'affaire du passe-port, que vous tâcherez de procurer du Grand-Général de la Couronne, pouvait se trouver en règle, de la façon que je le souhaite, je serais bien aise, et je le verrais volontiers, si je pouvais de la sorte me passer entièrement du passe-port du ministre d'Angleterre, pour pouvoir lui faire un secret de toute cette affaire.263-2

Pour ce qui regarde les frais du voyage de l'émissaire en question, je vous ferai parvenir la valeur de 350 ducats, lesquels vous compterez audit émissaire pour frais de son voyage contre sa quittance, en l'assurant qu'au cas, comme l'on s'en flattait, il s'acquittât bien de sa course et rapportât de Constantinople les réponses qu'il aurait à vous remettre, qu'il devait non seulement s'attendre à une discrétion pour le moins d'une égale valeur, mais qu'il pourrait même compter sur une reconnaissance plus forte. Vous prendrez de justes mesures sur tout ce que dessus; après quoi, vous vous arrangerez en conséquence avec tout le secret nécessaire.

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P. S.

Supposé que, contre toute mon attente, le Grand-Général de la Couronne ne voudrait pas se prêter à vous donner un passe-port signé de sa main pour l'homme que vous expédierez, je vous envoie ci-clos un passe-port signé de moi-même, dont, en ce cas-là, il pourrait se servir pour faire le voyage à Constantinople. Mais toujours j'aimerai mieux que vous sauriez vous procurer, par l'entremise du sieur Beck, le passeport nécessaire pour votre homme du Grand-Général.

Au surplus, je vous recommande fort de ne point traîner en ce qu'il faut pour faire partir cet émissaire, mais de tout presser et de l'expédier aussitôt que possible, en lui recommandant fort de faire toute la diligence imaginable, pour arriver bientôt à Constantinople et pour remettre là son paquet à sa destination.

Federic.264-1

Nach dem Concept.



262-1 Vergl. Nr. 9769.

262-2 Vergl. Nr. 9793.

262-3 Vergl. Nr. 9794.

263-1 Ein aus Preussen gebürtiger Secretär des Grafen Branicki, der schon früher den Wunsch zu erkennen gegeben hatte, in die Dienste des Königs von Preussen überzutreten.

263-2 Vergl. S. 238.

264-1 Am 2. März wird Benoît beauftragt, über die Russen in Ostpreussen zu berichten.