<242> vastes et pernicieux desseins des puissances ennemies, le Grand-Vizir lui avait répondu en termes doux et polis qu'il pénétrait très bien tout cela et qu'il l'avait déjà pris en mûre considération; qu'il était exactement informé et même jusqu'aux moindres détails de tous les procédés mauvais et irréguliers de mes ennemis et de leurs vues vastes et pernicieuses, dont à la fin la Porte elle-même s'en saurait ressentir, et [qu'il avait] fait ses préparatifs pour cela, et que les visions1 des Turcs et des Tartares valaient autant qu'une rupture réelle. Que la fougue de ces gens-ci n'était aussi aisément à arrêter que celle des chrétiens, dès qu'une fois on les avait mis en mouvement, et que, si une fois l'on aurait mis une armée turque en campagne, on était intentionné non seulement de rompre avec l'une ou l'autre des puissances ennemies, mais qu'on pousserait aussi la guerre avec autant de forces que jamais la Porte avait fait agir. Mais, pour parvenir à cela, il prétendait que la couronne d'Angleterre ou entrât en cette alliance ou qu'au moins elle garantît de la manière la plus efficace celle que la Porte ferait avec moi. Ce qui fait, il se faisait fort de vouloir d'abord obliger la Suède de se retirer de la guerre où elle avait pris part, et qu'elle renonçât à l'alliance où elle était entrée avec nos ennemis. Qu'il se flattait, d'ailleurs, d'entraîner les Danois dans nos engagements et de faire en sorte qu'ils joignissent leurs forces aux miennes à l'avantage de la cause commune. Il a ajouté que la Porte avait les prétentions les plus justes et fondées sur différents lieux et nommément au Banat, par où mon émissaire a cru entendre que leur principale intention était de pénétrer dans la Hongrie. Le Grand-Vizir a d'ailleurs souhaité mille maux aux Français, et mon homme a remarqué qu'il a été fort irrité contre cette nation. Il s'est informé auprès de lui des nouvelles de la maladie du roi d'Espagne2 et a fait bien des souhaits a cette occasion que le roi de Sardaigne pût rompre bientôt en faveur de l'Angleterre et de moi pour se rendre maître du reste de la Lombardie. Au surplus, il a répété à mon homme qu'il écarterait bientôt les Suédois d'entre mes ennemis; que tout dépendrait de la résolution de l'Angleterre, ou d'être partie contractante de notre traité à faire ou de le garantir au moins, et que je n'avais qu'à me concerter là-dessus avec le sieur Porter pour lui en faire savoir incessamment le résultat de notre concert. Il a même ordonné au susdit interprète anglais de dire d'abord de sa part au sieur Porter qu'au cas que, contre toute son attente, il ne fût pas muni des pleins pouvoirs à ceci, il devait dépêcher sans le moindre délai un courrier à Londres pour en demander avec des instructions, et qu'il n'y avait nul temps à perdre. H a fini l'audience par faire des souhaits que le Grand Dieu voudrait faire tous les maux à mes ennemis que ceux-ci avaient eu dessein de faire à moi.



1 So.

2 Vergl. S. 77. 124.