<243> J'ai cru nécessaire de vous instruire sur tous ces détails, afin que vous soyez précisément informé de la façon de penser présente de ce ministre, qui d'ailleurs a été exactement instruit de tout le manège entre la cour de Varsovie et les Russes, jusqu'à dire qu'il ne se fierait jamais à tout ce que l'envoyé de Pologne1 lui insinuerait, parcequ'il savait qu'il était corrumpu d'argent par le comte Brühl, et que le maréchal Fermor l'avait fait menacer qu'à moins qu'il ne parlerait à la Porte au gré de sa cour, il lui ferait brûler ses terres en Pologne. Comme mon homme a fait dès l'audience finie un rapport exact et fidèle à M. Porter de tout ce qui s'était dit et passé à cette audience, et qu'il a demandé s'il était muni des pleins pouvoirs, il lui a répondu que non, et qu'il ne saurait se charger de rien, avant qu'il n'aurait reçu de nouvelles instructions de sa cour, qu'il demanderait par le même courrier par lequel lui, mon émissaire, m'enverrait son rapport; aussi l'a-t-il fait en l'adressant au sieur Mitchell qui l'a dépêché par son courrier à sa cour.

Quant à vous, mon intention est que vous parliez d'abord au sieur Pitt et aux ministres, où vous croyez qu'il convient, sur cette affaire, au sujet de laquelle mon sentiment est que, si l'Angleterre est sûre de son fait qu'elle saura mener les affaires dans le courant de cette année-ci à une paix générale, honorable et sûre, que nous saurions alors nous passer de cette alliance avec la Porte. Mais dans le cas aussi que l'Angleterre ne fût assurée là-dessus, et qu'il serait à présumer que la guerre traînerait plus longtemps encore, je croyais qu'il serait nécessaire de profiter des bonnes dispositions de la Porte et de son premier ministre, afin de faire diversion à nos ennemis, pour diminuer la grande supériorité en nombre qu'ils avaient actuellement sur nous, et dont il était à craindre qu'ils nous accableraient à la longue. Que, dans ce cas, je croyais que Sa Majesté Britannique ne refuserait pas sa garantie à donner au traité à faire entre la Porte et moi, puisque celle-là y insistait absolument, me croyant une puissance étrangère qu'elle ne connaissait pas assez.

Vous observerez, d'ailleurs, que si M. Pitt ou les ministres estimaient peut-être que, vu les ménagements que l'Angleterre veut garder avec l'Espagne, une telle démarche saurait déplaire à celle-ci par ses sentiments bigots, ou pour d'autres qu'elle veut garder vis-à-vis des Russes à l'égard de leur commerce, vous direz alors que ce ne sera de la part de l'Angleterre qu'une simple garantie d'un traité. Qu'en second lieu on saurait prendre l'expédient de tenir cette garantie secrète et de la nier en tout cas ou dire que M. Porter avait surpassé ses instructions en ceci, et d'en rejeter sur moi la faute; enfin que, par toutes raisons, je croyais qu'une pareille garantie ne leur saurait causer du préjudice en rien, mais qu'il en reviendrait beaucoup du bien à la bonne cause commune. Voilà ma façon de penser sur cette affaire et sur



1 Joseph Podoski.