11690. AU PRINCE HÉRÉDITAIRE DE BRUNSWICK.

Freiberg, 20 décembre 1759.

Comme je vois que vous n'êtes pas au fait des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, je crois devoir entrer avec vous sur cette matière en quelques éclaircissements. Le gros de mon armée se trouve à Kesselsdorf et à Wilsdruff, ayant à son front un champ de bataille avantageux. Un corps détaché sous les ordres du général-major de Schmettau à Görlitz tient en respect toutes les troupes que l'ennemi a dans la Lusace, et a produit la prompte retraite du général Beck sur Dresde.707-1 Je suis ici à Freiberg, d'où je resserre le flanc gauche de l'ennemi, qui, n'ayant pu s'étendre que jusqu'à Dippoldiswalde, est resserré dans l'espace étroit que contient cette langue de pays qui s'étend depuis le Plauensche Grund jusqu'à Cotta.707-2

Un colonel hongrois avec un détachement de 2000 hommes est du côté de Passberg et de Marienberg, d'où il a poussé un détachement de 600 hommes jusqu'à Plauen, pour être informé de votre arrivée; auquel j'ai opposé le colonel de Linden707-3 avec 800 hommes, qui est auprès de Chemnitz.

La partie de la Saxe que les Autrichiens occupent, est dévastée, tant par le long séjour qu'y a fait l'armée de l'Empire, que par la façon cruelle dont les Autrichiens l'ont traitée,707-4 de sorte que les Autrichiens n'en peuvent tirer la moindre subsistance et se trouvent dans<708> la nécessité de faire transporter non seulement leur farine, mais encore 40 000 rations en foin, en paille et en avoine, des bestiaux, des légumes, du vin, de l'eau de vie et jusqu'au sel même de la Bohême. Les passages difficiles et montagneux, joint à l'abondance des neiges qui sont tombées, rendent les transports de ces vivres de jour en jour plus difficiles et font que les Autrichiens ne peuvent compter que de deux jours de subsistance en trois.

Cette situation gênée est seule suffisante pour songer de retourner en Bohême. Mais ces gens ne sont pas accoutumés de faire les choses de bonne grâce, et ils veulent qu'on leur fasse violence. Je ne suis pas si fort, pour la leur faire actuellement; mais dès que vous serez arrivé à Chemnitz, je suis presque persuadé qu'ils se retireront par les raisons suivantes :

Premièrement, par la jalousie que je pourrai leur donner de faire entrer un gros corps en Bohême et de leur ruiner le magasin de Saatz, qui est très important.

En second lieu : s'ils donnent dans ce panneau et qu'ils envoient un détachement en Bohême, il sera très facile de nous joindre ici et de nous porter avec des forces supérieures sur un corps d'environ 12000 hommes qu'ils ont du côté de Dippoldiswalde. Mais du caractère dont je connais le maréchal Daun, il ne voudra jamais exposer son armée à un si grand risque, et qui pourrait mener à une défaite générale de l'armée autrichienne; ainsi je suis persuadé qu'il ne tardera pas à se replier sur la Bohême, aussitôt que vous vous avancerez vers Chemnitz. Ce qui me confirme dans cette opinion, c'est qu'il vient de faire ferrer ses chevaux d'artillerie, et qu'on rassemble dans toute la contrée qu'il occupe, le peu de chevaux qui restent dans les villages, pour conduire les bagages des officiers, et que les avis de Dresde même disent que l'ennemi n'attend que la confirmation de la certitude de notre jonction, pour s'en aller.

Schulenburg708-1 est instruit de toutes nos circonstances et des détails, pour vous donner sur cette matière tous les éclaircissements que vous sauriez désirer. Je compte qu'il vous aura joint demain après-midi à Gera. Il me tarde d'avoir le plaisir de vous embrasser, pour vous assurer moi-même des sentiments d'estime et d'affection avec lesquels je suis etc.

Federic.

Nach dem Concept.



707-1 Vergl. S. 702.

707-2 Westl. von Dresden.

707-3 Vergl. S. 689.

707-4 Vergl. S. 567. Anm. 6. 45*

708-1 Der dem Prinzen entgegengesandte Flügeladjutant des Königs.