10778. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.

Breslau, 14 mars 1759.

J'ai reçu à la fois, par le courrier du sieur Mitchell, les dépêches que vous m'avez faites du 13, 16, 20, 23 et 27, au sujet desquelles je ne saurais m'empêcher de vous faire observer que, pourvu que vos dépenses égalent en tout à celles que vous faites en papier, je ne m'étonne pas si vous vous récriez sur celles que vous êtes obligé de faire à Londres; car en lisant toutes ces dépêches dont vous m'aviez régalé à la fois, j'ai cru lire des volumes.

Je vous sais parfaitement gré des mouvements que vous vous êtes donnés pour disposer le ministère anglais à faire quelque nouvel effort auprès de la cour de Russie, afin de la détacher de nos ennemis, quoique je doute que celle-ci soit actuellement dans la disposition d'y faire attention, parceque, selon mes lettres de ces lieux, le ministre autrichien à Pétersbourg, le comte Esterhazy, a reçu, il y a quelques semaines, un courrier de Vienne chargé de fortes sommes, que ledit ministre a dépensées là pour là payer les subsides, et que, par d'autres lettres qu'on a prises à un courrier russien que mes gens ont intercepté aux frontières de Pologne, quand il était sur son retour de Vienne à Pétersbourg,112-1 l'on s'aperçoit aisément que les sentiments en Russie ne sont pas bien pacifiques encore; il est toujours bon, cependant, que de la part de l'Angleterre on entretienne une pareille négociation, et qu'on renouvelle des propos [qui] tout d'un coup pourraient prendre succès, sourtout s'il arrivait que l'armée de Russie souffrait encore un bon nouveau échec. C'est aussi pourquoi vous remercierez bien affectueusement de ma part Messieurs les ministres anglais de l'attention qu'ils ont bien voulu marquer pour moi et pour les intérêts de la cause commune.

Je suis d'ailleurs charmé de la façon dont on a reçu ma proposition pour un concert à établir entre les armées sous les ordres de mon frère Henri, du prince Ferdinand de Brunswick et du prince Ysenburg,112-2 et de ce que M. de Pitt vous a déclaré à ce sujet, dont vous le remercierez bien, et lui direz que nous venions de voir un petit échantillon du succès d'un pareil concert par l'expédition que mon frère Henri [a faite] depuis sur la ville d'Erfurt112-3 et sur les quartiers des troupes autrichiennes et ceux des Cercles dans ces environs, de concert avec le prince d'Ysenburg qui s'avança vers Vacha, ce qui a mis tellement l'ennemi en déroute qu'il a abandonné la ville d'Erfurt après l'avoir fait fortifier, [et qu'il] a plié partout devant nous en perdant du monde, dont le prince Ysenburg de son côté a fait près de 200 prisonniers, en<113> sorte que cette petite expédition a coûté au delà de 600 hommes à l'ennemi, outre ce qu'il a perdu par la désertion, ce qui doit être considérable. Au surplus, autant que toutes mes nouvelles m'ont appris jusqu'à présent, j'ai tout lieu de croire que les Français ne feront pas de grands efforts la campagne qui vient de ce côté-ci du Rhin, en quoi je [me] confirme d'autant plus par la nouvelle qu'on a pris le commandement en Allemagne et [en] deçà du Rhin au prince de Soubise, ce qui certainement ne serait pas arrivé, si la France avait envie de faire de grands efforts en Allemagne; et, autant que je comprends, les grandes opérations commenceront en Saxe et du côté de l'Elbe.

Je vous sais infiniment gré des nouvelles que vous m'avez communiquées par le bulletin que vous aviez joint;113-1 ce qu'il comprend m'a été intéressant à plusieurs égards, et je serai bien aise d'en recevoir souvent de votre part.

Ce que vous avez touché dans votre rapport du 16 par rapport aux affaires de Mecklembourg et des appréhensions des ministres anglais, a été outré de ceux qui leur en [ont] fait des rapports; il n'y en aura rien à craindre du côté du roi de Danemark113-2 qui ne remuera pas pour cela, ni ne voudra abandonner son système de neutralité adopté,113-3 pour une chose qui, à proprement dire, ne le regarde en rien, et d'ailleurs nous ne traitons point aussi mal le Mecklembourg que le baron de Bernstorff avec d'autres gens de Hanovre113-4 nous en décrient.

La résolution que M. [Pitt] a prise de s'expliquer avec le ministre de Bavière,113-5 et le mémoire qu'il lui a donné, a mon parfait applaudissement. J'observe seulement que la Bavière n'est pas en état d'entreprendre quelque chose contre nous, à moins qu'elle ne tire des subsides de quelque puissance ennemie de nous, ainsi donc que, pourvu que M. Pitt ne ferait qu'amuser quelque temps la cour de Munich pour ne prendre autrement parti, ce serait toujours autant de gagné; au surplus, je crois que les évènements à l'ouverture de la campagne décideront, sinon de tout, au moins de beaucoup.

L'idée que vous m'avez fournie dans un de vos rapports du 23 touchant quelque négociation secrète à entamer entre moi et la cour de Turin, est très bonne; aussi ne manquerai-je pas de la mettre en pratique. Vous travaillerez donc incessamment à un mémoire sur ce sujet que vous présenterez comme par mon ordre au chevalier Pitt, en l'accompagnant de tout ce que vous trouverez convenable pour l'appuyer; en attendant que j'enverrai d'ici quelque émissaire secrètement<114> à Turin, muni cependant de mes lettres de créance, qui y gardera un parfait incognito et ne cherchera qu'à y voir le ministre et le Roi.114-1 II travaillera à disposer cette cour de se réconcilier avec celle de Naples, et je crois qu'aux conditions de votre plan, et si l'on offre au roi de Sardaigne Parme et Plaisance avec le Milanais, supposé qu'il saura s'en emparer, et la Toscane au Don Philippe, on saura bien lier les parties pour faire un tel traité entre [elles], pourvu que l'Angleterre voudra y travailler aussi et instruire conformément son ministre à Turin.114-2

Au reste, je veux bien permettre que, vu les motifs que vous m'alléguez, vous fassiez usage de ma lettre de rappel que vous avez entre vos mains;114-3 mais de vous congédier là entièrement et de vous faire revenir ici, voilà ce qui ne se pourra absolument pas faire encore, puisque votre présence là où vous êtes m'est encore trop utile et nécessaire, pour vous en rappeler.

Federic.

Nach dem Concept.



112-1 Vergl. S. 105.

112-2 Vergl. Nr. 10689.

112-3 Vergl. S. 109.

113-1 Knyphausen hatte, London 13. Februar, berichtet: „Votre Majesté verra par les faits que renferme le bulletin ci-joint . . . qu'il y a toute apparence que cet évènement (der bevorstehende Tod des Königs von Spanien) donnera lieu à quelque révolution dans le sud qui pourrait devenir très favorable pour Ses intérêts.“ Das Bulletin selbst liegt nicht mehr bei.

113-2 Vergl. S. 77; Bd. XVII, 334.

113-3 Vergl. S. 102. Anm. 3.

113-4 Bernstorff stammte aus einer hannoverschen Familie.

113-5 Graf Haslang; vergl. S. 18. 19.

114-1 Knyphausen hatte, London 23. Februar, berichtet: Für die Verhandlungen behufs einer Einigung der italienischen Fürsten bei dem Tode des Königs von Spanien sei das am meisten störende das Misstrauen, welches zwischen den Höfen von Turin und Neapel bestehe. Es scheine das beste, wenn man jenen Fürsten einen gemeinsamen Theilungsvertrag vorschlage. Da der König von Neapel seine jetzigen Länder Sicilien und Neapel auch als König von Spanien nicht fortgeben wolle, so solle statt dessen Toscana an den Infanten Philipp kommen, und Parma, Piacenza, Guastalla nebst Mailand mit dem Titel eines Königs der Lombardei dem Könige von Sardinien zugesichert werden. England solle das Unternehmen mit Geld unterstützen und ein zahlreiches Geschwader ins Mittelmeer senden. Die britischen Staatsmänner würden dem Plane zustimmen, wenn er durch ein Schreiben des Königs an König Georg oder an Pitt oder durch ein auf Befehl des Königs übergebenes Memoire befürwortet würde. Der König möge an den sardinischen Hof einen geheimen Unterhändler senden, der, wenn er Erfolg habe, auch nach Neapel sich wenden müsse. Knyphausen erbietet sich selbst zu dieser Mission. (Vergl. ober Knyphausen's Plan auch: Schäfer, Gesch. d. siebenj. Krieges II, 1, S. 413.)

114-2 Mackensie.

114-3 Knyphausen hatte, London 23. Februar, den König gebeten, wegen der hohen Kosten seines Londoner Aufenthalts, das ihm zugesandte Abberufungsschreiben {vergl. Bd. XVII, 135. 180) benutzen zu dürfen, „afin de déposer le caractère dont je suis revêtu; ce qui rendra mon séjour ici moins dispendieux, sans préjudicier en aucune manière aux intérêts de Votre Majesté“ .