10899. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

[Landshut,] 25 avril 1759.

Mon cher Frère.189-3 Vous avez beaucoup fait par votre expédition, mon cher frère; quiconque ne vous rend pas cette justice, a tort; mais examinons bien à quoi cet avantage peut mener, et vous jugerez ce qui reste à faire.

Vous avez détruit pour 6 ou 700000 écus de magasins aux ennemis; cela les dérange totalement pour le moment; mais croyez-vous que la reine de Hongrie ne retrouve pas 700000 écus pour acheter d'Autriche et de Hongrie d'autres magasins et les faire avancer petit à petit vers les mêmes endroits où vous les avez détruits? Cela arrivera indubitablement; ainsi le principal avantage de votre expédition consiste en ce que vous avez gagné du temps. Or, je vous demande à présent : a quoi servira ce temps, si vous n'en faites pas usage, lorsque vous 1 avez à votre disposition? Faites, je vous prie, abstraction des guerres anciennes qui ne cadrent pas avec les nôtres, et envisagez ce qui doit arriver naturellement selon le projet des ennemis, et vous comprendrez<190> vous-même ce qu'il vous reste à faire. Premièrement, dans six semaines l'ennemi aura rétabli ses magasins, les Cercles d'un côté et les Français de l'autre avanceront; comment pourrez-vous résister à ces deux ennemis en force? qui opposerons-nous aux Russes et aux Suédois? Comptez qu'il faut là un détachement de 15000 hommes pour se présenter et décider quelque chose. J'ai ici 90000 Autrichiens contre moi, je suis avec Fouqué au plus 53000 combattants, je ne peux pas détacher un chat, ni agir avec avantage, à cause des terrains difficiles que l'ennemi a occupés en force.

Les Cercles sont les plus piètres de nos ennemis, on se peut flatter de réussir le plus facilement contre eux. Le prince Ferdinand n'a perdu morts et blessés que 1300 hommes; des lettres de Francfort-au-Main portent que les Français ont eu à cette affaire 1500 morts et au delà de 4000 blessés; le prince Ferdinand n'est donc pas si fêlé que vous le croyez. Selon vos avant-dernières lettres,190-1 les Cercles s'assemblaient à Bamberg; cela étant, je ne vois pas comment le prince Ferdinand ne pourrait pas envoyer un détachement vers Schweinfurt pour vous seconder.190-2 Je suis obligé de vous confesser que je ne connais pas tout ce pays-là, mais je ne prétends pas non plus que vous tentiez l'impossible, mais ce qui paraîtra faisable. Je me charge de la Lusace pour trois semaines, vous n'avez rien à redouter en Saxe pendant cet intervalle; calculez bien tout ceci, et voyez ce que vous pourrez faire : sans quoi, nous ferons calot190-3 ou d'un côté ou d'autre.

Je ne peux vous parler autrement dans la situation où je me trouve ; pesez bien mes raisons, examinez tout et essayez ce qui vous paraîtra faisable. Je suis avec une parfaite estime, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



189-3 Vergl. zum folgenden auch das Schreiben des Prinzen Heinrich, Sedlitz 23. April, in Schöning a. a. O. Bd. II, S. 50. 51.

190-1 Bericht des Prinzen, Dresden 11 April.

190-2 Vergl. Nr. 10891.

190-3 So. Vielleicht italienisch: „calo“ — Verfall.