11132. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Reich-Hennersdorf, 26 juin 1759.356-2

La lettre que vous m'avez faite du 21 de ce mois,356-3 vient de m'être rendue. Permettez-moi que je vous réponde en ami tout naturellement qu'il me semble que vous voyez trop noir, et que le dernier désavantage de Bergen356-4 vous frappe encore. Je ne connais point le terrain où vous êtes, ainsi qu'il m'est impossible de vous dire ce qui pourrait vous être le plus convenable, et que ce que je puis vous pronostiquer avec certitude, c'est que, si vous passez le Weser, vous êtes perdu sans ressource. Tout dépend de votre position et de celle de l'ennemi et du terrain qu'il occupe. Si vous pouviez tomber sur un de ses corps détachés et le détruire, vous n'auriez pas besoin de risquer une bataille, et vous pourriez remettre les affaires en règle, au lieu que si vous reculez, l'ennemi pouvant encore agir pendant quatre ou cinq mois, l'ennemi vous reculera à la mer comme le duc de Cumberland.356-5 Dans deux ou trois mois, vous vous verrez peut-être forcé à combattre avec plus de désavantage qu'à présent, ou dans un mois. Si vous pouviez attirer l'ennemi dans une plaine, vous pourriez avoir beau jeu, et un moment heureux pourra redresser toutes vos affaires.

Mon frère Henri est hors d'état de vous porter du secours, parcequ'il se trouve entouré de 22 à 23000 Autrichiens, et qu'il a fait un gros détachement à l'armée de Dohna356-6 qui va incessamment combattre<357> les Russes. Je me vois également hors d'état, dans le moment présent, de vous donner du secours. Mon frère ne pourra être rejoint par ses troupes qu'en six semaines, au prendre tout au mieux; et, en ce cas-là, il pourrait peut-être faire un détachement d'une dizaine de mille hommes vers la Hesse, pour prendre l'ennemi par357-1 revers.

Pour l'amour de Dieu, ne vous décontenancez pas, et ne voyez pas les objets trop noirs: le premier pas qu'on fait en arrière, fait une mauvaise impression dans l'armée, le second pas est dangereux, et le troisième devient funeste. Mais tout ceci se réduit au terrain; car, pour peu que l'ennemi soit désavantageusement posté, je parie que vous le battrez. Je dois vous dire d'ailleurs que je vous écris tout ceci, sans savoir ce que le roi d'Angleterre peut vous marquer là-dessus, et [songez]357-2 toujours qu'une armée sans magasins ne saurait subsister, et qu'ayant été vaincue dans une occasion, vous ne sauriez la remettre davantage. Il y a encore un moyen, qui serait, de laisser l'ennemi s'attacher à une place et de lui tomber en suite sur le corps pour le détruire. Je raisonne en tout ceci comme un aveugle des couleurs, et ne connaissant de ce pays-là que le grand chemin de Berlin à Wesel; c'est impossible d'entrer dans la nature [des] détails dont le terrain seul doit décider.

Nous sommes ici les bras croisés, tant qu'il plaira à cette bénite créature que j'ai vis-à-vis de moi; mais au premier mouvement il y aura de bons coups de donnés. Adieu, mon cher, je vous embrasse.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin. Der Zusatz eigenhändig.



356-2 Einen Cabinetsbefehl vom 26. Juni an den Generalmajor von Tauentzien in Breslau vergl. bei Preuss, a. a. O. Bd. V, S. 131.

356-3 Vergl. den Bericht des Prinzen, d. d. Rittberg 21. Juni, bei Westphalen a. a. O. Bd. III, S. 287. 28S.

356-4 Vergl. S. 181.

356-5 Vergl. Bd. XV, 489.

356-6 Unter General Hülsen, vergl. S. 311.333.

357-1 In der Vorlage (dechiffrirte Ausfertigung) rpour“.

357-2 Nach dein Concept.