11173. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Au camp de Lsehn, 8 [juillet 1759].

Mon cher Frère. Il n'y a pas grand malheur à la méprise de ma lettre, sinon qu'elle a été égarée par mégarde; je n'ai point de secret pour vous.385-1 Je comprends bien que vous êtes curieux de savoir ce qui se passe ici. Selon mes nouvelles, Daun est entre Friedland et Lauban, Laudon à Goldentraum. Ils ont fait marcher de Ville, qui doit joindre Harsch. Je me tiens ici sans me découvrir, et j'attends le moment pour agir. Ceci deviendra bien compliqué et bien difficile, mais que faire? Il faut se faire jour, coûte qu'il coûte. Je n'ai pas un mot de Dohna; on débite à la vérité en Pologne des nouvelles qui nous sont très favorables,385-2 mais je ne les crois point, avant que je ne les tienne de source; vous savez comme est le peuple qui n'a pas vu la guerre: il prend des escarmouches de hussards pour des batailles rangées; ainsi je n'en parle pas. Il faut que tout ceci se décide en peu de jours. Le 10 est le jour dont ils sont convenus.

Je suis alerte et vigilant, je me procure toutes les nouvelles que l'on peut se donner de l'ennemi, je suis assez bien servi; mais cela ne m'exempte pas de bien des soucis et d'inquiétudes. Vous comprenez très bien que la besogne est extrêmement difficile, et que je suis dans le cas avec mon armée comme vous avec vos hussards.

Marwitz vient de mourir à Landshut d'une fièvre chaude mêlée de rougeole.

Fouqué est à Landshut; je lui ai laissé le corps le plus honnête qu'il m'a été possible.

Adieu, mon cher frère, je vous embrasse de tout mon cœur. Dès que j'apprendrai quelque chose de Dohna, ou qu'il se passera ici quoi<386> que ce soit d'important, vous en serez informé tout aussitôt. Je suis avec une parfaite tendresse, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



385-1 Es ist vermuthlich das Schreiben des Königs an d'O gemeint, das aus Missverständniss an den Prinzen Heinrich gesandt war. (Vergl. S. 365. Anm. 3.)

385-2 Vergl. Nr. 11172.