11343. AU MINISTRE D'ETAT COMTE DE FINCKENSTEIN.

Reitwein, 15 août 1759.

Secret! Monsieur. Je me flatte que Votre Excellence aura reçu ma lettre que j'ai eu l'honneur de Lui adresser ce matin. Je ne saurais me refuser plus longtemps la consolation de me découvrir entièrement à Elle sur ce qui se passe ici, d'autant plus que Votre Excellence est le ministre du Roi avec qui je ne dois avoir point de réserve sur ce qui regarde les incidents que les circonstances font naître.

Le Roi livra bataille aux Russes le 12 de ce mois; la nécessité paraissait l'exiger, et fit apparemment passer sur des considérations que la position avantageuse de l'ennemi fournissait pour empêcher d'en venir aux mains avec lui. Presque tout le temps que dura la bataille, faisait espérer que l'avantage se déciderait pour la cause du Roi, lorsque toutà-coup l'opiniâtreté du combat et les postes forts qui restaient à enlever à l'ennemi, firent lâcher le pied aux troupes du Roi, qui, pendant toute l'action, depuis 11 heures et demie du matin jusques à près de 6 heures du soir, s'étaient comportées en vrais héros. On fut donc<486> obligé de quitter le champ de bataille, sans que cette retraite ait occasionné de perte considérable, hormis celle de bon nombre de pièces de l'artillerie. Du depuis, Sa Majesté Se trouve dans un abattement qui ne saurait que faire une peine infinie à ceux qui ont l'honneur de L'approcher. Elle S'est déchargée, au moins pour le présent, du commandement sur le lieutenant-général de Finck, qui est blessé légèrement. Votre Excellence sera déjà informée des mesures que le Roi a prises [pour] la sûreté de la capitale.486-1 Je ne crois pas les choses dans la crise qu'on pourrait se les figurer, ou que les Autrichiens, aussi bien que les Russes, ont fait le 12. Cependant, on les envisage quasi comme désespérées, et l'on agit en conséquence.

Enfin, je souhaiterais pour tous les biens de la terre que Votre Excellence pût être présente ici, pour aider de Ses conseils à trouver une issue à cette guerre, qui, sans doute, n'est déjà que trop ruineuse. Il me semble, selon mes petites idées, que, si Votre Excellence pouvait Se dispenser pour quelque temps d'être présente à Berlin, qu'Elle ne ferait qu'acquérir de nouveaux mérites envers le Roi et la patrie, en Se procurant la permission du Roi de venir joindre Sa Majesté pour quelques jours,486-2 afin d'être à même de lui faire des insinuations tendantes au bien du service et des États du Roi. Je soumets mes idées là-dessus à la haute pénétration de Votre Excellence. Au cas cependant qu'Elle vînt ici, il n'y a point de doute qu'on ne dût pourvoir à Sa sûreté.

Je suis avec un entier dévouement et avec mon attachement inviolable pour Sa personne, Monsieur, de Votre Excellence le très humble et tout obéissant serviteur

L.-E.-H. Cœper.

Nach der Ausfertigung.



486-1 Vergl. Nr. 11342.

486-2 Vergl. S. 494.