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Il s'agit donc de savoir si on a chez vous le désir sincère de rétablir la paix que l'on vous suppose, et, en ce cas, je vous propose le moyen le plus sûr, le plus efficace et le plus avantageux d'y parvenir, et qui mettra la France à même de donner la loi, au lieu qu'elle serait obligée de la recevoir, si la guerre continuait. La France peut se tirer avec honneur et avantage de la situation fâcheuse où elle se trouve, si elle veut faire une paix séparée avec nous, l'Angleterre et nos alliés. Si la France consent à maintenir l'équilibre de l'Allemagne et à obliger ses alliés d'y souscrire, en faisant cause commune avec l'Angleterre, elle pourra s'attendre d'obtenir des conditions beaucoup plus favorables qu'elle n'en pourra avoir en tout autre cas. Je vous prie de savoir si ces idées pourraient trouver faveur dans le pays où vous vivez, et quelle est la façon de penser du Roi et de son ministère. Pour moi, je fais le volontaire, je cours faire le coup de pistolet pour savoir ce qui en résultera; car vous et les Anglais, vous avez envie de parler, et personne ne veut être le premier. Eh bien! mon cher Chevalier, soyons les enfants perdus de la politique, travaillons à la concorde et voyons s'il n'y aura pas moyen par quelque trait de plume de terminer une discorde si funeste à toute l'Europe, à mettre fin aux massacres, à la cupidité, à la voracité et à la cruauté des hommes, qui, malheureusement emportés par leurs penchants pervers, quand ils sont livrés à euxmêmes, ressemblent plus à des bêtes farouches qu'à des hommes sensibles et humains, comme ils devraient l'être.

Ces propositions, à la vérité, sont vagues; mais qu'on s'explique; elles pourront servir de canevas à des préliminaires. La première chose est de se parler, la principale de s'accorder, et la paix en sera une suite naturelle. La personne qui vous rendra cette lettre, est instruite des objets qui y sont annoncés. Vous aurez la bonté de demander un passe-port, pour qu'elle puisse me faire tenir votre réponse. Je sens, Monsieur, que je vous charge d'une commission à laquelle vous ne vous attendrez point, mais j'ai reconnu tant de candeur, tant de probité et tant de vertu dans votre âme que c'est plutôt un hommage que je lui rends qu'une commission dont je vous charge. En qualité de bon Français, je ne crois pas que vous agirez en mauvais citoyen, en employant vos soins à lui procurer la paix, et, en qualité de preux chevalier, vous devez en assister un qui a combattu à outrance contre les barbares et les nations qui prétendent des dénominations plus polies etc. etc. etc. etc.1

[Federic]

P. S.

J'espère, mon cher Bailli, que cette commission ne vous déplaira pas. Vous en sentez l'importance, l'utilité foncière pour toutes les parties belligérantes. La paix est le cri de l'Europe, mais l'ambition



1 In der Ausfertigung vor der Unterschrift, nach den üblichen Höflichkeitsformeln: „votre très affectionné ami“ .