11846. INSTRUCTION POUR MONSIEUR DE [EDELSHEIM].110-1

Freiberg, 18 février 1760.

1° Il déguisera au mieux la commission dont il est chargé, et en observera le plus religieux secret. Il partira au plus vite, dès qu'il aura pris les arrangements pour son voyage, et après s'être muni des passeports qu'il lui faut, pour aller droit sur Francfort-au-Main, Strasbourg p. à Paris.

2° Après son arrivée, il tâchera de se ménager un entretien particulier avec M. le Bailli, ambassadeur de l'ordre de Malte à la cour de France, pour lui rendre la lettre du Roi ci-jointe,110-2 en ajoutant qu'il la croyait de telle importance que M. le Bailli la voudrait bien prendre de lui. Pour être aussi au fait de quoi il s'agit dans cette lettre, on lui en communique la copie ci-close, quoique pour sa direction seule. Il avisera avec M. le Bailli sur ce qu'il aura à observer de mesures pendant son séjour à Paris à son propre égard et pour garder là un parfait incognito. En attendant la réponse qu'il aura de lui, il le priera de lui faire avoir un passe-port, afin de pouvoir envoyer en toute sûreté son courrier, pour faire tenir au Roi la réponse qu'il aura de M. de Froullay. 3° II tâchera, en attendant cette réponse, de s'informer au possible de ce qui regarde la situation présente des affaires de France: si la cour y est actuellement dans la disposition pacifique qu'on lui a attribuée dans l'étranger, ou si l'on a changé d'idées à cet égard, et les arrangements qu'elle prend en conséquence, dont il informera fidèlement le Roi. Quant aux lettres qu'il dépêchera à Sa Majesté, il les adressera à Gotha, sous couvert à Madame la Duchesse régnante.

4° Quand il aura reçu la réponse finale de M. le Bailli, ou que celui-ci la lui donnera verbalement, qui soit ou tout-à-fait déclinatoire ou d'une telle ambiguïté qu'il en pénètre aisément que ces gens ne veulent pas se prêter à une pacification prompte, il dépêchera d'abord<111> son courrier, avec la réponse qu'on lui a donnée, et partira ensuite pour retourner à Gotha. Enfin, il réglera son séjour ou son départ de Paris conformément à la réponse qu'il aura.

5° Mais comme il saurait arriver peut-être que M. le Bailli lui déclarât qu'en ambassadeur de l'ordre de Malte il ne saurait pas se charger de la commission sur laquelle je l'avais requis, sans en faire préalablement son rapport au grand-maître de l'ordre et sans en avoir reçu son agrément: dans ce cas-là, si M. de Froullay y insiste, M. de [Edelsheim] lui dira que cette correspondance à Malte demanderait trop de temps, qui lui était trop précieux, pour n'en pas pouvoir attendre le résultat.

6° Il s'adressera donc alors directement au duc de Choiseul, comme ministre et secrétaire d'État, afin de se ménager avec lui une audience particulière où il s'expliquera envers ce ministre dans le sens de la lettre au bailli de Froullay et lui fera des propositions en conséquence de la note ci-jointe.111-1 Il le priera de vouloir bien y prêter toute l'attention qu'une affaire de telle importance demande, et lui procurer bientôt une réponse de la part de sa cour, pour savoir à quoi s'en tenir.

Pour être aussi autorisé à faire cette démarche auprès du susdit Duc, et pour sa légitimation, il reçoit ci-joint une lettre de créance, signée des ministres d'État et de cabinet du Roi, les comtes de Podewils et de Finckenstein,111-2 qu'il rendra au duc de Choiseul de la façon qu'il convient.

7° Quant à la réponse qu'il aura de ce ministre, il agira à ce sujet de la même façon qu'il lui est enjoint dans l'article quatre de cette instruction. 8° Il se servira pour sa correspondance avec le Roi du chiffre ciclos; il observera sur cela qu'il faut que toutes les lettres qu'il dépêchera à Sa Majesté, soient bien chiffrées du commencement jusqu'à la fin, sans y mêler des passages en clair. 9° Pour fournir aux frais de son voyage qui ne saurait être de longue durée, le Roi fait joindre ici une lettre de crédit à 3000 écus argent comptant, monnaie de France, sur un banquier de Paris, avec une somme de 500 écus qu'il reçoit en argent comptant. S'il arrivait cependant que son séjour en France traînât au delà du temps qu'on le croit à présent, et que les dépenses, auxquelles il serait obligé de fournir, demanderaient un nouveau secours en argent, il n'aura qu'à en écrire alors au Roi, qui lui fera faire de nouvelles remises.

Nach dem Concept.

<112>

110-1 Ueber Edelsheims Sendung vergl. Karl Obser, „Die Mission des Freiherrn Georg Ludwig von Edelsheim im Jahre 1760“ , in d. Zeitschr. für die Gesch. d. Oberrheins. N. F. Bd. II, S. 69 ff.

110-2 Nr. 11845.

111-1 Nr. 11847.

111-2 D. d. Berlin 19. Februar.