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11879. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A BERLIN.

Freiberg, 29 février 1760.

Vous verrez par la copie ci-jointe d'une lettre dont je vous impose le dernier secret, de sorte que ma présente ne soit absolument que pour vous seul, que mon frère le prince Henri vient de recevoir de la part du sieur de Bielfeld,1 en conséquence de laquelle il vient de s'ouvrir une nouvelle scène, tendante à me procurer un prompt accommodement avec la cour de Russie.

J'ai hésité d'abord d'entrer en matière sur ce qu'on m'a proposé là-dessus, par les raisons que l'intention du sieur de Bielfeld pourra être assez bonne, de même que celle des deux personnes qu'il nomme, mais que je ne connais ni l'une ni l'autre, ni leur capacité et savoir-faire, ni le crédit et l'entrée qu'ils sauraient avoir à la cour de Pétersbourg. D'ailleurs, je me suis douté de leur connaissance sur la situation présente de cette cour, vu qu'ils appuient fortement sur le Grand-Duc, croyant pouvoir beaucoup opérer par lui et sur l'éloignement et le dégoût que l'Impératrice avait de la guerre présente, au lieu que je savais que le crédit du Grand-Duc auprès de l'Impératrice n'est autant que rien et qu'il n'influe point dans les affaires, et que, quant à l'éloignement de l'Impératrice pour la guerre présente, ce peut bien être qu'elle ait été vers le commencement de la guerre dans de sentiments pareils, mais qu'à la suite du temps cette faible Princesse s'est laissé entièrement entraîner dans les intrigues et les clameurs des Autrichiens et des Français dont surtout les derniers ont su s'attacher le favori Schuwalow qui est entièrement dans leur dépendance; que dis-je, cette Princesse pense à présent tout différemment qu'autrefois. Enfin, je me suis imaginé que peut-être cette bonne intention que le nommé Pechlin marquait, était plutôt tondée sur ce qu'il souhaiterait de figurer à mes dépens à Pétersbourg, pour s'y procurer un établissement avantageux, que pour y travailler à mes intérêts d'une façon efficace.

Cependant, comme dans la situation où je me trouve actuellement, il ne faut négliger aucun expédient, quelque faible qu'il paraisse au commencement, pour essayer par là à parvenir au grand but, et qu'il est toujours bon d'avoir un émissaire à Pétersbourg, voici donc les mesures que j'ai prises et dont mon frère ne fera qu'avertir en termes générales Bielfeld. 1° les 4000 ducats seront payés. Le conseiller privé Kœppen les paiera, et, en ignorant leur vraie destination, en agira conformément à mes ordres, en conséquence de celui que je viens de lui envoyer. Il ne faut point que le résident Hecht à Hamburg soit informé sur aucune circonstance qui ait du rapport à cette affaire-ci. Vous donnerez les instructions qu'il faut par écrit au sieur



1 Vergl. Nr. 11878.