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12076. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Au camp de Meissen, 11 mai 1760.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez faite du 8 de ce mois. Selon [mes] nouvelles,1 Laudon marche à Zittau. Je ne crains rien pour la Silésie, tant que vous serez là; mais, aussitôt que vous vous tournerez du côté des Russes, alors Fouqué aura bien de la peine de se soutenir de ce côté-là, et il faudra nécessairement qu'il se replie vers Schweidnitz, car, dans la position où je suis, je n'ose me remuer de la Saxe, à moins que Daun ne marche avec un gros corps, et vous comprenez bien vous même que j'aurai bien de la peine à me soutenir ici tant bien que mal.

Tout ceci dépend à présent des Turcs. Si tout ce qu'on m'écrit des Turcs est vrai, et que je dois croire des gens qui viennent de làbas, il faut à présent que notre alliance ait été signée2 et qu'elle soit publique à Constantinople. Cela étant, les Autrichiens pourront en être instruits le 20 ou 22, ainsi que nous verrons ici dans les mouvements des armées entre le 20 et le 30 ce qui s'est passé à Constantinople. Si cette affaire manque encore, nous sommes forcés d'attaquer d'un côté ou d'autre l'ennemi, quand nous pourrons le faire le plus tôt, pour accourir du côté des autres frontières qui sont menacées.

Je ne dois pas vous dissimuler en même temps que je suis très mécontent du général-major Stutterheim, qui se trouve contre les Suédois.3 Il est d'une paresse horrible, et il me semble que la tête lui tourne déjà; ainsi voyez ce que vous pourrez faire et qui vous pourrez mettre à sa place. Ramin serait sans contredit le plus convenable et le meilleur que vous ayez.4

Comme il faut prévoir à cinq cents cas qui pourraient arriver, il faut, au cas que les Russes marchent avec un corps du côté de Glogau, que Fouqué y jette une couple de bataillons.

Quant au Danemark, si vous voulez que je vous en parle franchement, je crois qu'ils y ont assez de bon sens pour voir que leur intérêt exige qu'ils ne me laissent point accabler; mais je les crois en même temps si timides que je crains qu'ils ne reculent, sans sentir ce qui est de leur intérêt. Mais s'ils font tant que de se déclarer, je crois qu'ils nous délivreront des Suédois, et, en ce cas, le magasin de Stettin pourra se transporter par mer le long des côtes. La Prusse est un pays toutà-fait fertile et abondant, où les subsistances ne pourront vous manquer; la ville de Danzig, de plus, qui exerce presque tout le négoce des grains de la Pologne et qui en est toute remplie, et où l'on trouve de grands amas de blés dans toutes les saisons.5 Le passage de la Vistule pourrait s'exécuter par deux moyens différents : l'un serait par le moyen



1 Bericht von Zastrow, vergl. Nr. 12075.

2 Vergl. Nr. 12072.

3 Vergl. S. 317.

4 Vergl. S. 247.

5 So.