<425> tourner le corps sous Lacy qui campe entre Radeburg et Moritzburg, de faire ébruiter partout que je marchais tout droit en Silésie, afin que l'ennemi n'ait aucune idée comme si j'avais le dessein de l'attaquer, et d'attaquer le 19 le corps de Lacy dans sa position en dos. Lacy a 17 bataillons, 40 escadrons et 2 pulks de uhlans, et leur situation est telle que Daun pourra les seconder avec 15 ou 16 bataillons.

L'assiette du terrain où je pense l'attaquer, est telle qu'il n'est pas tout-à fait mauvais pour l'attaquer avec espérance de bon succès. Si je réussis en cette occasion, cette affaire changera tout-à-fait la chance du jeu, sinon, mon malheur n'en deviendra pas plus grand par là, et il ne m'arrivera qu'un peu plus tôt un sort qui, sans cela, aurait été inévitable; car il faut absolument de deux choses l'une : ou que je combatte l'ennemi, ou que je lui laisse prendre la Silésie et me voie au bout du compte environné et serré de tous côtés de toutes les forces que l'ennemi a sur pied contre moi, ce que je ne veux pas attendre tranquillement. Nonobstant tout cela, il m'est impossible de vous dire d'avance comment ceci tournera, mais dans des circonstances désespérées il ne me déterminera des résolutions désespérées, et le dessein que j'ai pris, est au moins celui dont je désespère le moins et dont je ne saurais peut-être pas retrouver l'occasion pendant toute la campagne. Je n'ai nul secours à attendre d'aucun côté, ainsi il faut bien que je tâche de m'aider moi-même et que je tente si, au moyen d'un coup hardi, je pourrai remettre les choses en ordre.

Autant que je sois porté d'inclination d'envoyer pour mes propres intérêts quelque corps de mes troupes pour couvrir mes provinces de Halberstadt, Magdeburg et les autres de ce côté-là,1 autant je me vois dans l'impossibilité de le faire, à moins que les choses ici ne prennent préalablement une meilleure tournure.

Il y a effectivement déjà un corps de troupes russes de 16000 hommes auprès de Ccerlin et de Cceslin, et la grande armée des Russes de quarante et quelques mille hommes passe présentement la Vistule, pour marcher, à ce qu'on dit, vers Posen. Mon frère Henri est en pleine marche pour voir ce qu'il pourra effectuer contre ces gens-là.

La ville de Leipzig, mes provinces de Magdeburg et de Halberstadt, mon magasin à Wittenberg, tout cela est exposé aux plus grands dangers; ainsi je me vois dans la plus grande nécessité de faire une chose que, sans cela, je n'entreprendrais pas, sans que je ne me visse forcé; mais, dans des circonstances aussi pressantes que celle où je me trouve, il ne me reste que de me servir des moyens que j'ai encore, pour faire des efforts à m'en débarrasser. Si le sort veut que cela ne réussisse pas, il n'y a pas de ma faute.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.



1 Vergl. Nr. 12149.