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12174. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A MAGDEBURG.

Quartier général de Proschwitz, 16 juin 1760.

Depuis la dernière lettre que je vous ai écrite,1 j'ai passé hier l'Elbe, sans que l'ennemi s'y attende et sans qu'il y ait fait aucune opposition.

Selon les nouvelles que j'ai reçues, 13000 hommes des troupes des Cercles, aux ordres du prince de Stolberg, doivent avoir assis un camp auprès de Zwickau, et, selon d'autres avis de Dresde, on prétend y savoir que Daun postera ces troupes dans son camp retranché de Plauengrund, auxquelles il joindra encore quelques-unes des siennes pour garder ce poste avec la ville de Dresde, tandis qu'il passera l'Elbe avec tout le reste de son armée, pour se renforcer de ce côté-ci.

En passant l'Elbe hier, je m'étais proposé de ne rien hasarder, à moins que des circonstances très pressantes ne m'y obligeassent indispensablement. Voici à présent du changement, et je me trouve actuellement dans le cas qu'il faut absolument que je porte les choses à une affaire décisive, et cela par la raison : 1° que Laudon est sur le point de mettre le siège devant Glatz, et 2° que, si j'attends la jonction des troupes de l'armée de l'Empire avec Daun auprès de Dresde, ce dernier se mettra par là à même d'agir contre moi avec au delà de 50000 hommes, si je ne le préviens pas; je serai pourtant obligé de laisser un détachement au camp de Meissen et de me battre nonobstant cela avec Daun à forces fort inégales. C'est pourquoi j'ai résolu de partir d'ici le 18, de laisser le général Hülsen avec un nombre suffisant de troupes pour la sûreté du camp de Meissen, de faire ébruiter partout que je marchais tout droit en Silésie, et d'aller attaquer le corps de Lacy qui campe entre Radeburg et Moritzburg avec un corps de 17 bataillons et à peu près de 40 escadrons et 2 pulks d'uhlans. Je tournerai Lacy pour l'attaquer, et, quand même il devrait être secondé par Daun moyennant tout au plus 20 bataillons, nous serons encore égaux en nombre, et autant que je connais le terrain, il n'est pas si difficile du côté où j'attaquerai Lacy, que je ne dusse m'en promettre la chance du jeu; sinon, ma situation n'en deviendra plus mauvaise qu'elle est, et qu'il n'en arrivera rien, sinon que mon malheur parviendra à maturité, qui, sans cela, aurait été inévitable. Car il est de deux choses l'une : ou que je combatte l'ennemi dans une occasion que je ne retrouverai peut-être plus de toute cette campagne, ou que je lui laisse prendre toute la Silésie et que, pour fin, je me voie environné de toutes parts de ce que l'ennemi a de forces contre moi, pour m'abîmer d'un commun concert, ce que je serais bien aise d'empêcher. Je ne saurais vous garantir l'événement de l'entreprise que je médite,



1 Nr. 12164.