11740. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A BERLIN.

Pretzschendorf, 4 janvier 1760.

Le sieur Mitchell ayant reçu de retour le courrier qu'il avait dépêché, il y a quelques semaines, au sieur Keith à Pétersbourg,10-1 m'a d'abord rendu compte de la réponse qu'il avait reçue de celui-ci et m'a communiqué également par écrit le précis de cette réponse avec la note qui y a été rendue de la part de la susdite cour à ce ministre.

J'ai bien voulu vous la communiquer ci-clos, pour vous faire part de ces mauvaises nouvelles que je laisse à votre considération, pour me marquer votre sentiment là-dessus; mais quelle10-2 fâcheuse perspective ne nous présente tout ceci pour la suite de cette année-ci, qui, selon les apparences présentes, ne nous permet d'attendre que les derniers malheurs.

Federic.

Nach der Ausfertigung.

Précis des lettres du sieur de Keith à M. Mitchell, de Pétersbourg du 15 de décembre 1759.

M. Keith commence par avouer que les idées que Votre Majesté avait de la cour de Russie, étaient très justes et qu'ayant reçu les instructions dont Votre Majesté l'honore — par mon canal, du 15 de novembre —, il se préparait à entamer la négociation; mais, malheureusement, en quarante-huit heures après, on a eu à Pétersbourg la nouvelle de l'échec du général Finck, ce qui a tant tourné la tête à cette cour qu'il n'a pas jugé le moment présent convenable à leur faire aucune ouverture, de crainte d'augmenter par là leur fierté, qui est déjà énorme.

Quant à l'argent, il ne croit pas, à l'heure qu'il est, qu'on pourrait l'employer utilement; mais si les circonstances changent, il promet de m'en avertir.

Dans une autre lettre, il détaille la conversation qu'il a eue avec le Grand-Chancelier, lorsque, par ordre de sa cour du 9 d'octobre, il lui insinuait les intentions favorables de Votre Majesté pour venir à un accommodement avec la cour de Pétersbourg, et le plaisir que cela ferait au Roi mon maître p. p. M. Keith observe en cette occasion qu'il était extrêmement surpris de la façon froide et indifférente que le Chancelier reçut cette ouverture, mais qu'il promettait pourtant d'en faire rapport à l'Impératrice et de lui communiquer la réponse.

Le courrier qui porta l'ordre à M. Keith de communiquer à la cour de Russie la déclaration qui devait se faire à La Haye pour l'ouverture d'un congres, 3 arriva à Pétersbourg le 3 décembre; mais, le Chancelier ayant été indisposé, il n'eut point de réponse avant le 12, dont la copie ci-close explique assez clairement les intentions de cette cour.

Dans une troisième lettre M. Keith dit que le chancelier Woronzow, renonçant à ses véritables sentiments pacifiques, s'est entièrement soumis aux opinions du favori Schuwalow, et il croit que c'est le favori qui est la source de toutes les résolutions guerrières de la cour de Pétersbourg. On dit que le Schuwalow a gagné M. le Chancelier par un don considérable de mines de cuivre qu'il vient de lui procurer de l'Impératrice.

M. le favori est extrêmement faux, mais à présent tout-puissant, depuis qu'il a gagné le dessus du parti de Rasumowski,10-3 et il est entièrement dévoué aux intérêts de la France.

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Depuis peu de jours 4 bataillons, de 1000 hommes chacun, sont marchés de Pétersbourg pour joindre l'armée dans ses quartiers d'hiver en Prusse et en Pologne, et M. le comte de Hordt11-1 est actuellement prisonnier dans la citadelle de Pétersbourg.

Note pour M. de Keith, envoyé extraordinaire de Sa Majesté Britannique.

A Saint-Pétersbourg, 1er décembre11-2 1759.

Sa Majesté Impériale a reçu avec beaucoup de reconnaissance la communication préalable que Sa Majesté Britannique a eu l'attention de Lui donner de la déclaration qui a dû se faire à La Haye, et dont M. l'envoyé a remis ici la copie. Mais comme c'est à La Haye, et pas à Sa Majesté Impériale seule que cette déclaration a dû se faire formellement, Sa Majesté Impériale ne saurait y répondre positivement, avant que de S'être concertée avec Ses alliés.

En attendant, rapport ayant été fait à Sa Majesté Impériale de l'insinuation que, par ordre de sa cour, M. l'envoyé a faite de bouche, le 23 du mois dernier, à M. le Chancelier, savoir que non seulement le Roi son maître, mais aussi le roi de Prusse souhaitent de renouveler avec Sa Majesté Impériale l'ancienne bonne harmonie, Sa Majesté a ordonné de déclarer en réponse que certainement Elle a toujours eu soin et aura soin de vivre en bonne intelligence avec toutes les puissances, et que tout l'univers voit qu'avec autant de vigueur que Sa Majesté fait présentement la guerre, avec autant de répugnance [Elle] S'y est déterminée, et pas plus tôt que lorsque Ses déclarations les plus fortes n'ont fait aucune impression sur le roi de Prusse, et quand Ses alliés ont déjà été attaqués par ce Prince; qu'assurément Sa Majesté Impériale est extrêmement sensible à l'effusion de tant de sang innocent et que le seul souvenir en coûte infiniment à Son humanité; mais que la paix désirée est encore très éloignée, si l'espérance qu'on met dans les sentiments pacifiques de Sa Majesté, en est l'unique fondement, Sa Majesté Impériale étant constamment résolue d'exécuter religieusement ses déclarations solennelles de procurer aux parties lésées une satisfaction juste et suffisante, de ne conclure aucune paix qu'à des conditions honorables, solides et avantageuses, et de concert avec Ses fidèles alliés; enfin, de ne jamais permettre que, pour un prétendu ménagement du sang innocent pendant un court espace de temps, le repos de l'Europe reste exposé aux dangers précédents. Mais, si on ferait des propositions de paix qui soient satisfaisantes pour les parties lésées et acceptables, Sa Majesté Impériale sera la première à donner les mains à tout ce que, conjointement avec Ses alliés, Elle trouvera raisonnable.



10-1 Vergl. Bd. XVIII, 639. 640.

10-2 In der Vorlage: „quelque“ ' Vergl. S. 4

10-3 Vergl. Bd. XI, 43. 65.

11-1 Vergl. Bd. XVIII, 518. 668.

11-2 Alten Stils.